Janelle Monáe Robinson est devenue Janelle Monáe. Dans une autre dimension, elle est devenue Cindi Mayweather, androïde afro-futuriste promise à un destin messianique. The Archandroid, premier album de cette surdouée de 25 ans, a été coté très haut depuis sa sortie en 2010. Chanteuse, danseuse, créatrice de chansons, androgyne confondue entre fiction et réalité, entre elle-même et son alter ego, Janelle samène enfin à Montréal.

Au bout du fil, elle émet des propos d'une ambiguïté... charmante! On doit parfois en deviner le sens et il arrive même de se demander si l'on parle à la femme réelle ou au personnage qu'elle incarne dans son univers fantaisiste. 

«Je n'ai pas construit ce monde seule, tient-elle à rappeler de sa voix douce et posée. Je suis une personne spirituelle, je crois au principe de Dieu, je suis sensible aux rencontres marquantes et aux signes que l'existence nous apporte. Ainsi, j'ai suivi ma voie et fut convaincue de mon rôle dans la vie. Au fil de mes rencontres, j'ai créé une équipe au sein de laquelle nous avons échangé des idées et des concepts. Ensemble, nous avons déterminé comment on pourrait se souvenir de nous.»

Battons le fer pendant qu'il est chaud : Janelle, quelle est la différence entre vous et Cindi?

«Il n'est pas si difficile de percevoir qui je suis vraiment, répond-elle calmement. Il vous faut écouter ma musique et assister à mes spectacles pour vous rendre compte. Venez, vous verrez ! Tout ce que je suis pour vrai s'y trouve. S'y trouve tout ce monde dans lequel j'évolue. Cindi est une femme forte, elle se trouve d'ailleurs en nous tous. Elle a le désir de poser des gestes différents. Des gestes mêmes révolutionnaires. Elle veut contribuer à faire du bien aux gens, elle agit pour améliorer leur condition.»

À travers cette métaphore de l'androïde, Janelle Monáe revendique aussi une identité multiple, bien au-delà de son patrimoine culturel.

«Les Afro-Américains, vous savez, ne sont plus confinés à une seule tradition. Ils sont multiples comme peuvent l'être tous les humains d'aujourd'hui. Nous ne sommes pas monolithiques, nous avons tous une pensée complexe. Cindi imagine l'avenir et réécrit l'histoire à sa manière, imagine un autre plan directeur, démontre qu'on peut chacun choisir une destination différente. Et c'est pourquoi je bénis le ciel d'avoir cette chance de présenter une perspective différente de la musique et de l'art.»

Insistons une dernière fois : Miss Janelle, est-ce un choix artistique de maintenir un certain mystère entre votre propre vie et celle de votre personnage?

«Je suppose que oui... Mais je n'essaie quand même pas d'être un mystère!  Tout est question de timing dans la vie et il y a toujours un moment approprié pour dévoiler certains aspects de sa propre vie. Pour l'instant, je m'applique à présenter mon art le plus honnêtement possible, sans chercher à en circonscrire la forme. Je ne crois ni aux étiquettes, ni aux catégories. J'aime me produire dans différents contextes, et m'y adapter. Présenter quelque chose de frais et d'inspirant qui puisse fleurir dans le chaos sonore qui nous entoure.»

Famille prolétaire

Dans la vraie vie, Janelle Monáe Robinson a grandi à Kansas City, au sein d'une famille de prolétaires.

«Ce fut pour moi une bénédiction, estime-t-elle. J'ai pu y prendre conscience de mes racines dans un milieu très humble. Concierges, mes parents devaient travailler sept jours sur sept. Très jeune, j'ai eu  de la compassion pour ceux qui travaillent fort afin de nourrir leur famille. J'ai été chanceuse, car mes parents m'ont vraiment élevée avec beaucoup d'amour malgré leur condition. Ils m'ont encouragée à devenir l'individu que je suis. Ils m'ont préparée à vivre tant de choses.»

De Kansas City, elle est partie à New York afin d'y étudier le chant et la danse à l'American Musical and Dramatic Academy. Après quoi elle a déménagé ses pénates à Atlanta où elle a fait la connaissance de Big Boi, membre éminent de l'excellent groupe Outkast qui mène aussi une carrière solo. Big Boi a ensuite présenté Janelle à Sean «Puffy» Combs qui l'a rapidement mise sous contrat sur son label Bad Boy. En 2007, l'EP Metropolis : Suite 1 (The Chase) est lancé.

On y découvre le personnage de Cindi Mayweather, une androïde dont la destinée la mènera à libérer les citoyens de Metropolis (Fritz Lang quand tu nous tiens!) du Grand  Fossé, une société secrète qui sait user du voyage dans le temps afin d'éradiquer l'amour et la liberté. Les aventures de Cindi se poursuivront dans le cadre de l'album The Archandroid (Suites II and III).

Haute inspiration

Album de haute inspiration, ont noté tant de chroniqueurs sur cette petite planète. L'éclectisme hallucinant dont fait preuve cette production renvoie à une tapisserie de styles et de créateurs : hip hop, pop, rock, impressionnisme classique, grandes musiques de films, références à Prince, Stevie Wonder, James Brown, David Bowie, Madonna, John Barry ou Claude Debussy. Étourdissante Janelle, dites-vous? Attendez de la voir danser ! Les avant-goûts sur l'internet sont très prometteurs, il faut dire.

«J'ai des goûts très diversifiés, corrobore la responsable de nos étourdissements. Je crois avoir une facilité à identifier les musiques qui font se sentir bien.  Comme je le disais, je ne suis pas seule : je travaille avec d'autres créateurs, particulièrement Roman GianArthur, Chuck Lightning et Nate «Rocket» Wonder. Ensemble, nous avons fait quelque chose d'honnête.

«Sur scène? L'ArchOrchestra m'accompagne, nous sommes nombreux sur scène, avec sections de vents, percussions et tout et tout. Chaque soir, il est vraiment excitant d'être sur scène avec ce groupe formidable qui me permet de faire évoluer l'idée du prochain album que nous sommes en train de préparer. Cet album sera très spécial parce que je suis en pleine croissance artistique.»

Chose certaine, cette croissance n'a rien d'une fiction.

Janelle Monáe se produit ce vendredi, 20h05, Scène de la Montagne du festival Osheaga présenté au parc Jean-Drapeau.