Tout sourit à Jeff Beck depuis quelque temps. Il n'est pas passé inaperçu au festival de guitare Crossroads d'Eric Clapton à Chicago, en 2007, et quelques mois plus tard, il a retrouvé Clapton sur la scène d'une boîte de jazz de Londres. Le récent DVD Live at Ronnie Scott's, filmé sur place, témoigne surtout de la qualité du groupe que le guitariste emmène à la salle Wilfrid-Pelletier pour deux spectacles, le 6 juillet.

Le batteur Vinnie Colaiuta, le claviériste Jason Rebello et l'extraordinaire jeune bassiste australienne Tal Wilkenfeld ont la confiance absolue de Jeff Beck. «Ça n'arrive pas très souvent», dit en riant le guitariste d'exception au début d'une interview téléphonique fort sympathique.

 

Pourtant, Beck a joué avec des musiciens de talent, de Jimmy Page à Jan Hammer, en passant par Rod Stewart et Ron Wood et les deux ex-Vanilla Fudge Tim Bogert et Carmine Appice. «Oui, mais il n'y avait pas tout à fait la même intensité, la même compréhension de la musique ni la même exécution, insiste-t-il. En partie à cause de l'exubérance de la jeunesse de Tal et son efficacité. Je connais des jazzmen de 70 ans qui n'ont pas sa maturité.»

Sous l'influence du Mahavishnu Orchestra, Jeff Beck s'est lancé dans le jazz-rock au début des années 70. «Je croyais qu'il était plus sage de suivre quelqu'un qui n'avait rien à voir avec le rock and roll superficiel, dit-il. Je n'avais pas le goût de former un autre Zeppelin, Pink Floyd ou Deep Purple, ils existaient déjà. En simplifiant une pièce du Mahavishnu, je pouvais quand même avoir une carrière! J'ai pu faire un album accessible (Blow By Blow) que les gens ont écouté.»

Peut-être parce que sa musique instrumentale était moins grand public, Beck ne s'est pas couvert de gloire comme Clapton et Page. Pourtant, quand il a enregistré la première mouture de la pièce Beck's Bolero, avec Page et le batteur Keith Moon, c'était comme le précurseur de Led Zeppelin sans un chanteur, estime-t-il.

«Si Rod (Stewart) était entré dans la pièce à ce moment-là, nous aurions probablement formé un groupe, c'était l'ingrédient qui manquait, dit-il. Beck's Bolero - qu'il joue encore - a renversé tout le monde et nous pensions qu'elle allait décoller tout naturellement. Malheureusement, Keith devait retourner avec les Who.»

L'année des retrouvailles

En avril dernier, Beck a été intronisé au Rock and Roll Hall of Fame par Jimmy Page, qui s'est joint à lui pour jouer Beck's Bolero en y mêlant, à la suggestion de Tal Wilkenfeld, Immigrant Song de Led Zeppelin. Beck s'est éclaté tout autant quand il a donné deux concerts avec Clapton et son groupe au Japon, en février dernier.

«Vous allez encore jouer avec Clapton?

- Je n'ai pas le droit d'en parler. Disons que ça pourrait être très excitant en janvier prochain...»

En avril toujours, pour la première fois en 25 ans, Rod Stewart est venu chanter deux chansons avec Beck, à Los Angeles: Ain't Superstitious et People Get Ready de Curtis Mayfield, qu'ils ont enregistrée ensemble au milieu des années 80 avant qu'une autre chicane ne fasse avorter la tournée de spectacles qu'ils devaient entreprendre.

«C'était fantastique, dit Beck de ces retrouvailles improbables. Rod n'a pas oublié d'où nous venons tous et combien je lui poussais dans le dos quand on parcourait le Royaume-Uni dans une vieille bagnole rouillée. Quand nous sommes arrivés en Amérique, je savais qu'il y connaîtrait du succès parce que personne ne sonnait comme lui.»

Ses «riffs barbares», son jeu sauvage et imprévisible, Beck les attribue à une forme de «schizophrénie musicale». Le guitariste, qui recevra le premier prix Hommage du Salon de guitare de Montréal, a une personnalité trop forte pour être cantonné dans un seul style musical. Il dit à la blague: «Je me suis souvent demandé quelle étiquette m'accoleraient les tabloïds si je me noyais ou si je mourais dans un écrasement d'avion: Jeff Beck, guitariste de blues des années 60, ou chanteur pop des années 60 (rires) ou encore expert en jazz fusion?

- Et vous, qu'écririez-vous?

- Je ne sais pas? Un guitariste expérimentateur un peu fou...

- Et libre?

- Bien sûr, liberté serait le mot-clé.»

Jeff Beck, salle Wilfrid-Pelletier, le 6 juillet à 18h et 21h30.

 

QUI EST-IL ?

Un guitariste légendaire qu'on n'a jamais vu à Montréal.

UN CD ESSENTIEL

The Jeff Beck Group/album Truth/Epic/Sony (1968),

À ÉCOUTER

Ain't Superstitious, Beck's Bolero, Cause We've Ended as Lovers