Le 31e Festival international de musique actuelle de Victoriaville s'est conclu dimanche sur le triomphe de Magma. Triomphe annoncé et confirmé! Avec près d'un demi-siècle d'existence, la formation française a revécu avec le public du FIMAV la fraîcheur et l'exaltation des premiers contacts. Réminiscence des années 70 au programme, certes, mais aussi de la matière neuve pour la bande du maître percussionniste et compositeur Christian Vander.

Si nous en étions à notre énième concert de Magma, l'éblouissement ne serait pas le même qu'il fut en cette soirée dominicale dans les Bois-Francs, mais n'allons surtout pas bouder notre plaisir. De l'histoire moderne de la la musique de pointe non classique ou non institutionnelle, Magma est le seul (ou l'un des très rares) à proposer un amalgame où le jazz rock, le prog, la musique contemporaine de tradition européenne (Varèse, Messiaen, Stravinsky, etc.) et le romantisme wagnérien trouvent un chemin commun. Quel autre groupe de cette génération, au fait, a soumis une telle proposition vocale que soutient une machine aussi puissante, aussi déchaînée que celle de Magma? 

À l'évidence, cet octuor ne souffre pas de ce qu'on déplore si souvent du jazz-fusion et du rock progressif, soit la technique virtuose au service de la pauvreté compositionnelle et de la nostalgie. Ici, la haute virtuosité est sans conteste au service d'une oeuvre profondément singulière, de compositions étoffées et distinctes de tous les répertoires connus. Ici, le grandiose l'emporte clairement sur le pompeux et le grandiloquent. Si cette oeuvre demeure ancrée dans les années 70 (en témoignaient dimanche les relectures tirées des albums Mekanïk Destruktï Kommandöh et Köhntarkösz), ses enregistrements récents (on pense ici à Šlaǧ Tanƶ, paru en 2014 et interprété dimanche dans son intégralité) ajoutent des pierres à l'édifice.

Environ 16 000 personnes y ont été recensées, soit 12 000 venues découvrir les installations sonores et 4000 ayant assisté aux concerts en salle. À ce titre, la journée de dimanche a probablement été moins achalandée que celle de la veille. L'offre était aussi moins solide que les jours précédents, il faut dire.

Claws and Wings, répertoire de musiques du violoncelliste new-yorkais Erik Friedlander composées à la mémoire de sa femme emportée par le cancer, est certes touchante et compétente dans son exécution, mais aussi convenue dans l'esthétique de la nouvelle musique de chambre - violoncelle à l'archet et pizzicato, piano moderne de Sylvie Courvoisier, galbe électronique imaginé par Ikue Mori. 

Quant aux concerts de l'après-midi au Colisée des Bois-Francs, on repassera. Ce que suggère le contrebassiste et joueur de guimbri (instrument à cordres maghrébin) Joshua Abrams est tout simplement sans intérêt pour qui connaît le moindrement les musiques des vastes zones sahariennes. À ces grooves polyrythmiques mollement interprétés par ces néophytes (et romantiques) du genre, quelques superpositions de claviers et cordes électriques apportent un brin d'originalité, sans plus. Même l'invité spécial, le renommé percussionniste Hamid Drake, n'apporte pas grand-chose à cette proposition d'une minceur pour le moins déplorable.

Idem pour le «sound art» des Japonais Akio Suzuki et Aki Onda. Nous étions tout autour des performers japonais, intrigués par leurs instruments inventés, objets sonores et microphones de contact. Et alors? Bel attirail, certes, encore faut-il une vraie stratégie d'intervention, une vraie matière narrative. Or, dans le cas qui nous occupe, l'impression de pauvreté conceptuelle l'emporte malheureusement sur le sentiment de découverte....

Cette impression est toutefois moins marquée chez la pianise Satoko Fuji, le batteur Peter Orins, les trompettistes Christian Pruvost et Natsuki Tamura, qui nous conviaient dimanche à un programme de jazz contemporain au très agréable Pavillon Arthabaska. Performance intéressante? Jeu virtuose et dynamique au piano (souvent préparé), soutien rythmique très correct de la batterie, belles trouvailles chez les trompettistes - particulièrement Pruvost, dont la recherche sur l'expiration s'avère pour le moins étonnante. Et puis... une beaucoup trop longue séquence d'improvisation libre allonge la sauce jusqu'à ce qu'on en perde le goût... et non pas l'envie de repartir à la découverte des musiques actuelles.