L'Orchestre Symphonique de Montréal et son chef Kent Nagano ont amené le 34e Festival de Lanaudière à une impressionnante conclusion samedi soir, devant plus de 5000 personnes massées à l'Amphithéâtre Fernand-Lindsay, sur la vaste pelouse et jusque sur les hauteurs du lieu.

Le très regretté père Lindsay, dont le souvenir continue de hanter pratiquement chaque concert du festival qu'il a créé, eût été comblé. Et il aurait certainement répété, comme chaque année au dernier soir: «C'est déjà fini...»

Ce deuxième et dernier concert de l'OSM à Lanaudière 2011 avait été confié au titulaire. Nagano avait choisi comme pièce de résistance la partition intégrale de L'Oiseau de feu, le premier des trois grands ballets de 1910-13 qui lancèrent Stravinsky sur la scène internationale.

La partition de 45 minutes monopolisait l'après-entracte. Dutoit enregistra l'oeuvre avec l'OSM en 1984, il y a donc 27 ans. Si les effectifs sont en grande partie différents, plusieurs premiers-pupitres chez les bois sont encore là et leurs timbres n'ont absolument rien perdu de leur fraîcheur première. Dans l'acoustique miraculeuse de l'Amphithéâtre, l'orchestre entier sonnait d'ailleurs avec une clarté et une richesse inouïes, des frémissements quasi palpables, des plans sonores bien définis, en fait mieux que le Philadelphia Orchestra entendu au même endroit il y a deux semaines. Un effet additionnel était créé par la position de quelques cuivres à l'arrière de la foule.

On souhaite tout simplement que la nouvelle salle, qui doit ouvrir dans un mois exactement, le 7 septembre, offre une acoustique égale à celle de l'Amphithéâtre.    

J'ai bien dit «qui doit ouvrir». Selon certaines rumeurs, la salle ne sera pas prête pour le 7 septembre, en partie tout au moins. Par ailleurs, c'est l'impasse entre la direction et les musiciens quant au renouvellement de leur contrat, ce qui explique le petit insigne rouge «d'alerte» que tous les musiciens portaient sur eux.

Ces musiciens -- qu'on découvrait en gros plans sur les écrans géants installés cette année  -- demandent d'être rémunérés en fonction du travail qu'on exige d'eux et qu'ils accomplissent si héroïquement. N'est-ce pas là le bon sens le plus élémentaire?

Un mot encore sur cet Oiseau de feu. La partition de 45 minutes est fort longue, voire répétitive. Les suites plus brèves, de 1919 et de 1945, font parfaitement l'affaire, il me semble.    

Nagano avait invité comme soliste l'élégante mezzo américaine Susan Graham, renouant ainsi une association qui remonte à au moins 1994, l'année de leur enregistrement de La Damnation de Faust de Berlioz chez Erato.

Mme Graham chantait cette fois les cinq Rückert-Lieder de Mahler. Non seulement le programme ne suivait-il pas l'ordre de la partition, mais, sans avertissement, la chanteuse modifia l'ordre imprimé dans le programme. Double confusion, donc. Quoi qu'il en soit, elle livra les cinq pièces dans une belle tenue vocale et une expression vraie.    

D'origine japonaise, Kent Nagano ouvrit le programme avec une pièce de Toru Takemitsu, le compositeur japonais contemporain le plus connu. Le programme nous apprend que la pièce a pour point de départ une photo du peintre Marcel Duchamp ayant les cheveux coupés en forme d'étoile. Ces masses d'accords et développements raffinés -- il y en a pour 11 minutes - sont monnaie courante en musique d'aujourd'hui. L'auteur a tout simplement signé là un autre exercice pédant et inutile.

Avant le concert, on a signalé la présence de l'ex-gouverneure-générale Michaëlle Jean.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste : Susan Graham, mezzo-soprano. Samedi soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 34e Festival de Lanaudière.

Programme :

A Flock Descends into the Pentagonal Garden (1977) - Takemitsu

Fünf Lieder nach Texten von Friedrich Rückert, pour voix et orchestre (1901-04) - Mahler

L'Oiseau de feu, partition de ballet (1910) - Stravinsky