Sorte de George Martin contemporain pour les uns, Nico Muhly est un chouchou de la scène indie. Pour les autres, il est une nouvelle vedette de ladite musique contemporaine aux États-Unis, s'inscrivant dans le long sillon des Glass, Reich, Adams, Riley, Young, Ives et autres Copland.

Compositeur, arrangeur, claviériste, ex-collaborateur de Philip Glass, il s'avère très prolifique pour toutes les configurations instrumentales et vocales. Il a aussi les pieds dans l'indie, dont il est un des arrangeurs les plus prisés.

De ce côté, on lui doit moult collaborations pour les plus éminents créateurs de cette mouvance trentenaire; on pense d'abord à Grizzly Bear et The National. Inutile d'ajouter qu'il fréquente le brillantissime Sufjan Stevens, le guitariste Bryce Dessner et le batteur James McAlister - sans compter Richard Reed Parry d'Arcade Fire et sa conjointe Little Scream, pour citer des exemples montréalais.

Parce que son oeuvre dite sérieuse est déjà considérable et parce qu'il est jugé très cool par les plus doués hipsters de la scène musicale états-unienne, l'accomplissement d'un tel projet était écrit dans le ciel... C'est le cas de le dire.

Planetarium résulte d'une commande à Nico Muhly par l'amphithéâtre hollandais Muziekgebouw Eindhoven. Le compositeur a alors pensé réunir ses potes indies et ainsi construire un pont reliant son approche instrumentale à la façon de faire de ses collègues.

En résultent 17 pièces ou chansons consacrées aux planètes et objets célestes de notre système solaire. 

Force est d'observer qu'il ne s'agit pas du premier concept musical élaboré sur ce thème. On pense évidemment à l'oeuvre de Gustav Holst composée en 1913 ou encore à celles de notre Walter Boudreau, imaginées entre 1983 et 2011.

Cet autre projet était risqué: lorsqu'un musicien classique/contemporain travaille avec des artistes pop, il lui faut négocier avec des mélodies et harmonies consonantes (si ce n'est que partiellement), des refrains, bref des formes s'approchant de la chanson. Comment alors déjouer le possible appauvrissement conceptuel? Comment éviter de ménager la chèvre et le chou? Mission impossible?

Qu'à cela ne tienne, ces créateurs de bonne volonté ont tenté de lier leurs univers en leur accordant une égale importance. Voilà un projet hybride qui n'est pas condamné au compromis: chacun de ses concepteurs aime la musique contemporaine instrumentale, tout comme les formes les plus avancées de musique populaire admettant la forme chanson.

À l'instar de ses maîtres à penser, Nico Muhly n'a jamais rejeté le passé pour investir le présent et penser l'avenir. Dans cette optique, ses constructions orchestrales (pour cordes et cuivres dans le cas qui nous occupe) peuvent admettre plusieurs déclinaisons stylistiques de la forme chanson (indie, prog, synth pop dans le cas qui nous occupe), tout comme les innovations de la musique électronique générées hors des milieux académiques.

Cette fois, le volet classique/contemporain de cette rencontre n'est pas un appui aux chansons, mais bien un interlocuteur à parts égales, et vice versa.

Cela dit, force est d'observer que Planetarium met d'abord en relief les mondes de Nico Muhly et de Sufjan Stevens, même si Bryce Dessner a une éducation classique et que James McAlister est beaucoup plus qu'un batteur pop ou rock.

Chaque camp de mélomanes pourra certes émettre ses préjugés de base - édulcoration et compromis pour les uns, froideur intellectuelle et excès d'abstraction pour les autres. Certains y verront une rencontre réussie, prémices d'une forme hybride qui pourra vivre et s'émanciper. la sortie de l'album pourrait amener le quatuor à se reformer de nouveau.

Nous n'avons pas ici une oeuvre révolutionnaire, nous avons plutôt le résultat d'un premier dialogue concluant fondé sur la synthèse d'approches connues. Les mots y prennent aussi leur place, y évoquent la tension permanente entre le chaos de l'univers connu et son ordre apparent, malgré ce système solaire duquel les humains sont issus.

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INDIETRONIC, PROG, MUSIQUE CONTEMPORAINE. Planetarium. Sufjan Stevens, Nico Muhly, Bryce Dessner, James McAlister. 4AD.