La mairesse de Montréal, Valérie Plante, recommandera dans les prochains jours que l'ex-maestro de l'Orchestre symphonique de Montréal, Charles Dutoit, soit dépouillé de l'Ordre de Montréal, dont il a été récipiendaire en 2016, a appris La Presse.

Le bureau du directeur général Alain Marcoux a en effet fait parvenir une nouvelle procédure de révocation à l'Ordre de Montréal pour adoption au comité exécutif qui se tiendra aujourd'hui. L'adoption de cette procédure constitue la première étape pour retirer son insigne de commandeur - la plus haute distinction de l'Ordre de Montréal - à Charles Dutoit.

Une fois ce document officiel adopté, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, fera une demande au comité consultatif de l'Ordre afin que M. Dutoit se fasse retirer son insigne de commandeur. « L'intention de la mairesse est de faire la demande rapidement », nous indique une source proche de Mme Plante.

La résolution instituant l'Ordre de Montréal, adoptée en 2016, comportait une formule de révocation très restrictive. Seuls les récipiendaires dont la culpabilité était reconnue devant les tribunaux pouvaient se voir dépouillés de leur décoration. « Il fallait adopter un nouveau texte, plus en phase avec la société dans laquelle on vit », indique notre source.

Dans cette procédure revue et corrigée, que La Presse a obtenue, on préciserait donc qu'un récipiendaire de l'Ordre qui aurait commis « un écart de conduite grave considéré comme une atteinte à la réputation, à l'intégrité ou à la valeur de l'Ordre » pourrait se voir retirer sa décoration. 

De même si une personne décorée avait fait l'objet d'une « sanction officielle, comme une amende ou un blâme par un organe d'arbitrage, une association professionnelle ou toute autre organisation ».

Le processus irait donc comme suit : la demande d'examen de la révocation doit être présentée par écrit au secrétariat de l'Ordre de Montréal. Si on juge que les motifs de révocation sont soutenables, la personne visée est avertie. Elle peut choisir de démissionner ou de plaider sa cause. Au bout du compte, c'est un rapport du conseil consultatif de l'Ordre qui recommande au bureau du maire de destituer le membre visé ou non. Dans le cas de M. Dutoit, c'est la mairesse elle-même qui présentera la demande de révocation.

Pluie de dénonciations

Rappelons que depuis cinq mois, Charles Dutoit est visé par des allégations de harcèlement et d'agression sexuels, ainsi que de harcèlement psychologique, à l'endroit de nombreux musiciens. Juste avant Noël, trois femmes, deux chanteuses d'opéra et une musicienne, ont d'abord affirmé à l'Associated Press avoir été agressées par M. Dutoit entre 1985 et 2010.

Dans les semaines qui ont suivi, les témoignages de six autres femmes se sont ajoutés, dont la soprano Pauline Vaillancourt et la journaliste à l'époque Mary Lou Basaraba. Deux de ces agressions auraient eu lieu à Montréal, alors que M. Dutoit était chef de l'OSM.

Par l'entremise de son avocat, Charles Dutoit a catégoriquement nié les faits et il s'est dit particulièrement horrifié que quelqu'un l'accuse de viol. Une enquêteuse externe a été mandatée par l'OSM pour scruter les années Dutoit. Le maestro a été directeur de l'OSM de 1977 à 2002.

Puis, en février dernier, La Presse et Le Devoir ont recueilli les témoignages d'une quinzaine de musiciens, qui dénonçaient le climat de travail insupportable instauré par le maestro Dutoit. Musiciens en larmes, poussés à bout, brisés psychologiquement : à l'époque de la démission de M. Dutoit, plus de la moitié des musiciens avaient signé une pétition où l'on dénonçait l'attitude du chef d'orchestre envers ses musiciens.

Des sources ont indiqué à La Presse que le conseil exécutif de l'OSM avait été mis au courant des agissements de M. Dutoit au fil des ans et qu'ils avaient abordé cet enjeu délicat avec le chef d'orchestre.

Depuis décembre, huit orchestres ont rompu leurs liens avec M. Dutoit. Le maestro s'est aussi retiré plus tôt que prévu de ses fonctions de directeur artistique et chef d'orchestre principal du Royal Philharmonic Orchestra de Londres.