The Left s'inscrit dans le sillon d'un renouveau hip hop, genre dont on a observé de loin la dilution au cours des dernières années. Cette forme était trop importante, trop implantée dans l'imaginaire collectif mondial pour que le déclin perdure: une nouvelle frange de MCs et DJs n'entend pas se laisser submerger par le conformisme formel, sa quête poétique évoque autre chose que les valeurs claniques et l'argent vite fait.

De l'État du Michigan, The Left s'amène ce jeudi dans le cadre de MEG Montréal, qui présente 70 artistes ou groupes répartis dans neuf salles. De jeudi à dimanche, ce festival ajoute un important volet hip hop à sa programmation électronique et pop/rock, évoluant en complémentarité et en partenariat avec le festival Osheaga.

Ainsi, MEG Montréal contribue à redorer l'image d'un genre trop souvent mal perçu, sous-évalué à tort. Parlons en à Apollo Brown, réalisateur et producteur, membre fondateur de The Left dont l'opus Gas Mask est considéré par moult connaisseurs comme étant le meilleur album de hip hop alternatif (traduction libre de l'expression underground) créé en 2010.

«Pourquoi le hip hop est-il devenu aussi prévisible? Parce que trop de jeunes artistes associés au genre y ont vu le potentiel fédérateur et donc lucratif. De loin, on a cette impression que le hip hop est devenu ennuyeux parce que la grande majorité de ses vedettes récentes se sont conformés à des productions surdiffusées à la radio ou à la télé. Ainsi, ces vedettes ont fini par oublier leurs motivations fondamentales: aimer la forme et son exécution en public, rester en phase avec eux-même pour que leur musique en soit le reflet. Cette dynamique s'est installée dans l'industrie de la musique qui ne favorise désormais que des productions de ventes à très court terme. J'ose espérer que nous fassions partie d'un cycle qui ramène la qualité dans le hip hop.»

Joint à Détroit où il réside et où il a grandi Apollo Brown raconte la genèse de The Left.

«Chacun d'entre nous avions une carrière solo, The Left est apparu ensuite. J'ai fait la rencontre de Journalist 103 dans un événement hip hop, nous avons échangé sur nos approches artistiques respectives. Six mois plus tard, je l'ai contacté afin d'enregistrer. Puisque DJ Soko travaillait déjà avec Journalist, il s'est joint à nous. La chimie était idéale, la combinaison parfaite. Tout ça s'est fait naturellement et nous sommes tous fiers de Gas Mask, notre premier bébé.»

Avec raison d'ailleurs: on peut voir dans la musique de The Left une substance artistique réelle.

«Mes influences majeures puisent dans les années 90. DJ Premier est mon réalisateur préféré, toutes époques confondues, mais j'aime aussi RZA, DJ Muggs, J Dilla et plusieurs autres. Pour les premières pièces de The Left, j'ai écouté des trucs un peu plus récents, entre autres Black Moon et Smif n'Wessun. L'album met aussi en relief des invités: Kool G Rap, MarvWon, Guilty Simpson.»

Et sur scène ce jeudi? On retrouvera Apollo Brown, Journalist 103, DJ Soko.

«Je ferai mon propre showcase afin de réchauffer la salle avec du nouveau matériel  dans le même esprit que l'album Gas Mask. Pourquoi nous n'avons pas de groupe? Personnellement, j'aime les DJ, les vinyles qui crépitent. Ainsi, nous travaillons avec des tables tournantes, une table de mixage et des logiciels dans des ordinateurs.»

Tous issus de Détroit, les trois membres de The Left sont fiers de leurs origines régionales.

«Le milieu hip hop, dit Apollo Brown, y est considérable et en santé. Je dirais même que cette scène est au sommet de la scène underground aux États-Unis - Black Milk, Guilty Simpson, D-12 etc.  Détroit renaît sans aucun doute, c'est un retour en force. Il ne me vient donc pas à l'idée de quitter la région. Mes amis, ma famille, mon inspiration, tout est là.»

Justement, parlons de cette inspiration.

«Notre hip hop, dit Apollo Brown, a des sous-entendus politiques. Journalist y aborde le monde d'hier et d'aujourd'hui, tout en restant au-dessus de la mêlée. Il est capable de recul même si sa dégaine peut sembler un peu dure. Les sujets sont d'actualité mais abordés d'une manière personnelle. Il évoque les combats de l'existence au quotidien, la pauvreté, le désespoir, le manque d'inspiration que cause le manque d'argent ou de ressources.  Il déplore également le manque de bonne musique, de vrai hip hop, dans notre environnement.»

Inutile d'ajouter que The Left compte remédier à la situation.

Dans le cadre de MEG Montréal, The Left se produit jeudi soir 22h à la Casa Del Popolo. Participeront au même programme Angerville, Blurum et Grindhouse: pour https://www.megmontreal.com/