Après six ans de silence discographique, Marie Denise Pelletier revient avec une nouvelle fournée de chansons originales «faites sur mesure», signées de sa main et de celles des Luc Plamondon, Richard Séguin et Luc De Larochellière. Où était donc passée la chanteuse pendant tout ce temps?

«Je savais que j'allais me la faire poser, celle-là», lance avec aplomb Marie Denise Pelletier. Luc De Larochellière y a répondu pour elle, avec l'élégance qui caractérise sa plume, sur une chanson intitulée Flâner en chemin. «Elle est heureuse, cette chanson. J'ai souvent chanté des thèmes lourds, genre Tous les cris les S.O.S. Aujourd'hui, je me sens plus légère, jusque dans le choix des chansons. Quand j'ai entendu le banjo que Luc a mis sur la chanson, je me suis dit: ah! C'est l'instrument du bonheur, le banjo!»

«Écoute, je n'ai pas chômé pendant ces 15 ans-là», défend ensuite celle qui a appris son métier auprès de la grande Lucille Dumont.

Quinze ans? Tout ce temps sépare la sortie de ce nouvel album éponyme du dernier disque de chansons originales, Le sixième jour, paru en 1996. Le vide a cependant été comblé par deux compilations, deux albums de reprises lancé au début du siècle («Je suis tout le temps à contre-courant!» rigole-t-elle en évoquant la présente mode des albums-reprises), dont un consacré à l'oeuvre d'Eddy Marnay, et un album de Noël.

Puis, les comédies musicales (Roméo et Juliette), et les nombreux concerts qu'elle a donnés au fil du temps l'ont gardée sur scène et, l'espère-t-elle, pas trop loin du coeur de son public.

«Mais j'ai aussi repris mon rôle de compositrice, comme au début de ma carrière.» Ce nouvel album, ça fait six ans qu'elle le mitonne. «On peut appeler ça un retour, je pense.» Un retour tout en folk et en ballades pop, supervisé par Marc Pérusse, qui avait bellement rendu l'indispensable Un toi dans ma tête de Luc De Larochellière. Des chansons simples, l'amour et la vie qui coulent au premier plan, «un disque personnel» qui effleure dignement la mort - celle de sa propre mère, tout récemment, et celle de l'enfant d'une amie, sur Berceuse pour un ange, dont le texte est signé Luc Plamondon.

Choix de collaborateurs judicieux à l'écriture et à la réalisation qui mettent en valeur la voix mûre de la chanteuse. Meilleure encore qu'à l'époque de Tous les cris les S.O.S.? «J'ai forgé ma voix ces dernières années, en abordant de nouveaux genres musicaux. C'est le répertoire qui fait la voix, la mienne s'est améliorée, sur le plan des harmoniques, entre autres. Côté maturité vocale, en tant que chanteuse, et en tant que personne, je suis meilleure.»

Chanteuse... politique

Si Marie Denise Pelletier assure que chanteuse est son premier métier, reste que les affaires de chanteuses ont aussi passionné la revenante. Recrutée par Serge Turgeon, alors président de l'Union des artistes, pour «défendre les intérêts des interprètes», elle a pris la direction de la société et gestion de droits des interprètes associée à l'UDA, Artisti. Son dossier le plus urgent: les redevances sur les baladeurs numériques, abolies dans le projet de loi C-32. Morte au feuilleton avec le déclenchement des élections, la refonte de la loi du droit d'auteur sera assurément reportée au prochain mandat.

«Tout ça, c'était du chinois pour moi, raconte-t-elle. Je me suis lancée là-dedans à l'aveugle, j'ai fait mes classes. Je suis encore là, après 13 ans.» Elle n'avait jamais songé à faire de la (presque) politique, or, «on prend la piqûre. Je le fais pour mes pairs. La cause en vaut la peine. Les enjeux sont majeurs, à une époque où on repense le droit d'auteur. C'est notre gagne-pain qui est sur la ligne. Je suis une fille de convictions - je suis aussi porte-parole des oeuvres du Cardinal Léger.

«Mais avant tout, aujourd'hui, je viens parler de mon rôle de chanteuse!» insiste Marie Denise Pelletier, alors que la conversation s'étirait du côté politique. «La chanteuse reprend du galon. Après 25 ans, j'ai toujours gagné ma vie avec ma voix, ce qui est un grand privilège. Il y a plein d'artistes des années 80 qui ne font plus ça aujourd'hui...»

Anxieuse de retrouver son public? «C'est sûr que de revenir après 15 ans avec du nouveau matériel, alors que tout le monde semble vouloir faire des reprises, c'est risqué, concède Marie Denise Pelletier. Sauf que, j'ai toujours eu foi en ma bonne étoile. Je me suis dit: fais le disque le plus intègre possible, entoure-toi le mieux possible, et lance-toi. Mon angoisse venait d'abord des radios. Je me demandais si elles allaient embarquer. J'ai eu des bonnes nouvelles cette semaine: elles montent à bord...»