Dans le fertile terreau indie-rock de Williamsburg, à Brooklyn, Converse s'apprête à transformer l'immeuble d'un ancien nettoyeur en un studio d'enregistrement dont pourront se servir gratuitement des groupes.

Les initiatives du genre se multiplient. Red Bull a lancé le portail redbullmusicacademyradio.com, alors que Mountain Dew - propriété de Pepsi - est derrière le Green Label Sound, site qui offre des simples à télécharger gratuitement. «Mozart se faisait commanditer par le roi d'Autriche, ce n'est pas nouveau, lance le publicitaire Roger Tremblay. C'est habile et c'est un beau cadeau, mais ce n'est pas juste de la philanthropie et du mécénat.»

Récemment, le New York Times a affirmé que les lifestyle brands (les marques qui vendent un style de vie) sont devenues les nouvelles maisons de disques, car elles offrent plus d'argent, de visibilité et de latitude aux artistes que les majors.

L'association entre Converse et la musique underground est naturelle. Des milliers de musiciens portent les fameuses espadrilles en toile, qui sont toujours restées cool malgré les modes. Comme l'a expliqué le New York Times, les sociétés ne font plus que commanditer une tournée ou utiliser une chanson dans une pub. Les Red Bull et Moutain Dew investissent dans la production de clips, le marketing et même la distribution d'albums.

«Les grandes entreprises investissent plus dans la visibilité des marques que dans la publicité, souligne Roger Tremblay. Toute marque aspire à être une religion, comme les amateurs de Mercedes qui ne jurent que par Mercedes. La marque s'infiltre dans la vie de ses clients. Elle s'ancre dans leur inconscient et ça devient leur marque fétiche.»

Et pourquoi passer par la musique? Tout simplement parce que c'est branché. «Il y a une guerre entre les différentes marques pour avoir l'air cool», souligne Alexandre Gadoua, directeur de création de l'agence de publicité Taxi.

Mountain Dew a payé pour le clip Night by Night de Chromeo. Le duo montréalais n'y voyait que des avantages, car il a gardé les droits de la chanson et préservé sa liberté artistique.

En mars dernier, La Presse a publié un dossier sur l'utilisation grandissante de chansons d'artistes indépendants dans les publicités ou les séries télé. «Aujourd'hui, on ne peut plus ne vendre que des disques. Il faut de tout pour amener de l'eau au moulin», avait fait valoir à La Presse Éli Bissonnette, patron des étiquettes Grosse Boîte et Dare to Care Records. En 2006, les membres de Malajube et lui ont dû justifier le fait qu'une chanson du groupe accompagnait une pub de Zellers. Cet automne, il n'y a pas eu de telle controverse pour leur pièce Luna, au coeur de la nouvelle campagne de Budweiser.

Vendre une chanson n'est plus automatiquement synonyme de vendre son âme. Dans le cas de Malajube, ce sont des chansons déjà endisquées dont les droits ont été achetés. Il n'y a pas eu d'ingérence. Mais dans le cas de Converse et de son nouveau studio, la société pourrait très bien commander, pour une nouvelle campagne, une chanson à un groupe qui utilise gratuitement le studio, souligne Roger Tremblay. «Scratch my back and I'll scratch yours», résume Alexandre Gadoua. Mais selon lui, les sociétés qui investissent actuellement dans la musique sont de bonne foi. «Le gars de Converse a un amour réel de la musique», dit-il.

Alexandre Gadoua craint néanmoins que cette formule intéresse une deuxième vague d'entreprises motivées par des préoccupations mercantiles et non par leur intérêt pour la musique.

En rafale

> Les Black Eyed Peas lancent l'album The Beginning le 30 novembre.

> Les fans de Pink peuvent écouter sa nouvelle chanson, intitulée Raise Your Glass, sur le site internet de la chanteuse. Ce sera l'un des deux titres inédits de la compilation Greatest Hits So Far!!!, en vente le 16 novembre.

> Conçu par Mouffe et le chroniqueur musical Sylvain Cormier, un spectacle aura lieu le 25 novembre au Métropolis pour souligner le 100e anniversaire du Devoir. Une vingtaine d'artistes sont invités dont Claude Gauthier, Les Cowboys Fringants, Robert Charlebois, Renée Martel, Michel Rivard et Richard Desjardins.

Suggestion de la semaine

Future Islands est un groupe de Baltimore qui aime le clavier sous toutes ses formes et les airs rythmés électro-pop. La bande du chanteur Samuel T. Herring a lancé quelques EP et disques, dont Little Dreamer, en mai dernier. L'attrait de Future Islands se trouve dans la force et la solidité de ses mélodies et dans ses arrangements à fleur de peau. myspace.com/futureislands

Sorties de la semaine

> La romance des couteaux de Chantal Archambault

> Reste encore d'Isabelle Brossard

> Dust Lane de Yann Tiersen

> The Age of Adz de Sufjan Stevens

> Swanlights d'Antony and the Johnsons

> Write About Love de Belle and Sebastian

> The Beat Goes On d'Émilie-Claire Barlow