La croissance de la musique légale ligne ne suffit toujours pas à faire basculer le chiffre d'affaires global de l'industrie de l'enregistrement musical vers un bilan positif: en 2009, les revenus de la musique ont encore enregistré un recul de 12% par rapport à 2008, un déclin soutenu depuis maintenant une décennie.

C'est ce que révélait lundi la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI) dans un rapport disponible en ligne et présenté aux médias francophones (AFP, Le Temps, le Figaro, etc.) dans le cadre du MIDEM, le Marché international du disque et de l'édition musicale qui se tient actuellement à Cannes.

Ainsi en 2009, le chiffre d'affaires global de la musique enregistrée a été de 15,8 milliards $ US. En 2004, ce chiffre d'affaires fut de 22,4 milliards, alors qu'il atteignait les 40 milliards en 1999.

Selon l'IFPI, qui fédère les multinationales de la musique dans tous les marchés du monde, les revenus de la musique en ligne ont atteint 4,2 milliards $ US en 2009, soit une croissance de 12%. Et ce, malgré un piratage généralisé sur la planète, beaucoup plus considérable que le flux de musique acquise avec l'accord des ayants droits.

La musique légale peut compter aujourd'hui sur plus de 400 services légaux liés à l'Internet et ses différentes destinations - ordis, baladeurs, téléphones mobiles, etc. Plus du quart des revenus de l'industrie de la musique proviennent désormais de ces canaux numériques fondés sur des partenariats entre les labels de musique et les fournisseurs de services Internet, opérateurs de téléphonie mobile, plateformes pour l'écoute continue (streaming) avec ou sans possibilité de téléchargement, boutiques en ligne, services d'abonnement mensuel, etc. Le rapport de l'IFPI indique en outre que les ventes de chansons à l'unité ont augmenté de 10% l'an dernier, pendant que les ventes d'albums en ligne ont progressé de 20%.

«L'an dernier, les entreprises de la musique ont multiplié les partenariats avec des services financés par la publicité tels Spotify, Deezer, MySpace ou We7. Avec des fournisseurs de services tel TDC au Danemark, Terra au Brésil ou Sky au Royaume-Uni. Avec des opérateurs mobiles comme Vodafone. Avec des fabricants comme Nokia ou Sony Ericsson. Avec des canaux de contenus audiovisuels en ligne comme Hulu ou VEVO.»

Pas le choix, il faut dire. Encore incapable de lancer seule un modèle d'affaires viable, l'industrie de l'enregistrement musical doit faire avec les acteurs de la nouvelle économie. Non sans heurts, force est de constater.

«Encore récemment, les plateformes (téléchargement et/ou streaming) reprochaient aux maisons de disques d'exiger des avances (d'argent) tue-la-mort afin d'exploiter leurs répertoires. Or, ces avances ont été largement revues à la baisse ces deux dernières années. On l'a constaté en France, même chez les petits labels indépendants» observe le chroniqueur spécialisé Philippe Astor, du web média ÉlectronLibre.Info, joint à Cannes au cours du week-end.

«Ces derniers mois, observe également le spécialiste français, il s'est développé des choses intéressantes dans le secteur professionnel - B to B ou business to business. Par exemple, Noomiz travaille à générer des données qualitatives sur les produits qui circulent sur la Toile. Autre exemple, E-Numerica est un marché virtuel pour l'utilisation de la musique dans tous les secteurs de la production audiovisuelle - destiné au cinéma, la télévision ou la publicité. En fait, je crois que le nerf de la guerre en 2010 sera l'innovation dans ces outils destinés à maximiser l'offre en ligne; évaluer le comportement des consommateurs, cibler les marchés là où ils se trouvent, etc.»

Par ailleurs, l'IFPI déplore l'effet du piratage sur les artistes émergents de plusieurs marchés importants. En Espagne, les ventes de musique d'artistes du top 50 national auraient chuté de 65% entre 2004 et 2009. En France, on estime que le quart de la population télécharge illégalement, ce qui a engendré un déclin de 60% des sorties d'album entre 2003 et 2009. Au Brésil, les albums locaux produits par les majors ont chuté de 80% depuis 2005.

Voilà pourquoi l'association des majors exprime un besoin urgent afin qu'on actualise les lois sur le droit d'auteur en responsabilisant les fournisseurs d'accès et de service Internet - c'est-à-dire que ces derniers soient obligatoirement impliqués dans le pistage des internautes déviants. En ce sens, l'IFPI se réjouit que les gouvernements adoptent de plus en plus de lois exigeant la responsabilité des fournisseurs - la France, la Corée du sud, Taiwan, bientôt le Royaume-Uni et la Nouvelle Zélande. Cela étant, l'association estime que ce progrès devrait être beaucoup plus rapide qu'il ne l'est.

«Il serait très bien d'annoncer que ces innovations se traduisent par de plus gros investissements dans le développement artistique, par un nombre accru d'emplois. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Le piratage en ligne demeure une immense barrière pour la croissance du marché et génère une érosion constante de l'investissement dans les musiques locales», déplore le Britannique John Kennedy, président de l'IFPI.