Miriam Makeba, une grande voix de la chanson mondialement connue comme «Mama Africa», a été saluée par le continent africain comme une des «mères» de la lutte anti-apartheid, après son décès dans la nuit dimanche à lundi en Italie.

«Elle était la première dame sud-africaine de la chanson et elle mérite le titre de Mama Africa. Elle était la mère de notre combat et de notre jeune nation», a estimé le premier président noir d'Afrique du Sud Nelson Mandela.Ses mélodies obsédantes ont fait résonner la douleur de l'exil et de la distance qu'elle a ressentie pendant 31 ans. En même temps, sa musique nous a à tous donné un profond sentiment d'espoir», a rappelé M. Mandela, qui avait réussi à la convaincre en 1990 de revenir dans son pays après plus de 30 ans d'exil.

Miriam Makeba est morte à l'âge de 76 ans d'une crise cardiaque juste après avoir chanté sur les terres de la mafia napolitaine pour l'écrivain italien menacé de mort Roberto Saviano.

Elle avait poursuivi jusqu'au bout le combat en plaidant dans ses chansons l'amour, la paix et la tolérance, et était depuis 1999 ambassadrice de bonne volonté de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Le directeur général de l'agence Jacques Diouf a rendu hommage à la chanteuse, qui a apporté «un soutien actif au combat de la FAO pour réduire la faim et améliorer les moyens d'existence des plus pauvres de par le monde».

De son vrai prénom «Zenzi» (diminutif de Uzenzile), Miriam Makeba avait vu le destin de l'Afrique du Sud basculer en 1947 avec l'arrivée au pouvoir des nationalistes afrikaners. A 27 ans, elle quitte son pays pour sa carrière, sans savoir qu'elle va en être bannie pour ses prises de position anti-apartheid.

Dans son exil, la chanteuse connaît ensuite un véritable succès, même si son mariage en 1969 avec le leader des Black Panthers Stokely Carmichael - dont elle se séparera en 1973 - n'est pas du goût des autorités américaines et la pousse à émigrer en Guinée.

Dans la Sierra Leone voisine, où elle venait régulièrement donner des concerts, les radios ont passé en boucle lundi ses chansons, dont le titre phare Pata, Pata.

Editions spéciales dans les journaux ou à la radio se succédaient également en Afrique du Sud, où est née en 1932 «une des plus grandes artistes de la chanson de notre époque», selon la ministre des Affaires étrangères Nkosazana Dlamini Zuma.

«Miriam était une inlassable patriote qui a mis son immense talent au service de son peuple et de la lutte pour la liberté et la démocratie non seulement en Afrique du Sud mais sur l'ensemble du continent», a déclaré le président du parti au pouvoir, Jacob Zuma.

Les artistes africains ont également salué le départ de cette «légende», comme la qualifiée la diva sud-africaine Yvonne Chaka Chaka.

«C'est une grande perte pour l'Afrique, pour la musique africaine, la musique tout court», a souligné le chanteur sénégalais Youssou Ndour.

Le chanteur et saxophoniste nigérian Femi Kuti et sa soeur, la danseuse Yeni Kuti, se sont dits «profondément choqués»: «Mama Africa était une telle inspiration. Nous avons du mal à réaliser qu'elle n'est plus là».

Pour le musicien congolais Lutumba Ndomanueno, alias Simaro Masiya, Miriam Makeba est décédée comme «un soldat mort sur le champ de bataille, arme à la main».

En Côte d'Ivoire, le président Laurent Gbagbo a également salué cette «voix militante» qui a «rythmé tous les grands moments de l'histoire politique et culturelle de l'Afrique pendant plus d'un demi-siècle».

Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a rendu hommage à celle qui était «le symbole même de l'esprit de résistance».