Pleins feux sur la tête d'affiche hip-hop d'Osheaga! Bien au-delà du rap, le duo reconstitué propose des mélodies hautement contagieuses et des accompagnements virtuoses... et pas de nouvel album studio depuis 2006. Voici sept raisons de respecter Outkast.

1. La précocité

André Benjamin et Antwan Patton se sont connus en 1992 alors qu'ils vivaient dans le secteur East Point d'Atlanta. Tous deux âgés de 16 ans, ils montraient déjà des qualités probantes pour le rap. À la cafétéria de l'école Tri-Cities, ils participaient à des combats de loquacité; on imagine qu'ils partageaient la gloire locale avec les mecs de Goodie Mob, qui fréquentaient la même école. Les jeunes réalisateurs du collectif Organised Noize ont repéré le tandem Benjamin-Patton au même moment que Goodie Mob. Les trois entités fondèrent la Dungeon Family, question de promouvoir leur émergence à Atlanta. Devenus Andre 3000 et Big Boi, André Benjamin et Antwan Patton nommèrent leur tandem 2 Shades Deep, The Misfits, très rapidement Outkast.

2. Les six albums studio

De 1992 à 2006, six albums studio d'Outkast ont été produits, pour la plupart très bons ou excellents. Des artistes de renom ont collaboré à leurs enregistrements, entre autres Erykah Badu, Norah Jones et Janelle Monae. Avec plus de 25 millions d'albums écoulés dans le monde, Outkast demeure un des groupes hip-hop les plus populaires depuis la naissance du genre au tournant des années 80. Dès le début de sa carrière discographique, le duo avait signé un contrat avec LaFace, label fondé à la fin des années 80 par Babyface et L.A. Reid (aujourd'hui patron du label Epic et l'une des têtes dirigeantes de Sony Music Entertainment), absorbé plus tard par Arista puis Sony-BMG et sa filiale Zomba Music Group depuis 2004.

3. La contribution musicale

Andre 3000 et Big Boi ont absorbé de multiples styles musicaux et les ont progressivement intégrés à une oeuvre qui déborde son cadre hip-hop sans en perdre l'identité originelle. Ainsi, la démarche est comparable à celles de visionnaires afro-américains comme Sly Stone, Jimi Hendrix, Shuggie Otis, George Clinton, Prince, Michael Jackson... Les styles P-funk, trip hop, jungle, techno, house ou ghettotech crépitent chez Outkast et exigent une virtuosité certaine de la part de leurs interprètes. Qui plus est, les compositeurs d'Outkast ne dédaignant pas les musiques populaires issues d'époques antérieures à la leur - gospel, blues, rock'n'roll, rock psychédélique, folk, musiques antillaises, jazz primitif ou jazz moderne. L'imbrication frénétique de ces données est le fait d'esprits en pleine ébullition.

4. L'originalité des textes et des thèmes abordés

Scènes de relations intimes. Scènes de consommation illicite. Réflexions sur la conjoncture politique américaine. Illustrations probantes des États du Sud avec l'accent idoine. Évocation de la misère sociale, de la violence des pauvres, de leurs armes. Propension à l'humour absurde, mais aussi à l'abstraction et l'élévation d'esprit. Voilà autant de signes d'une écriture hip-hop qui dépasse largement les clichés. Dans les albums du groupe sont souvent intercalés des sketches; la facture se veut théâtralisée. On n'hésite pas à sortir les gros mots, on n'hésite pas non plus à sortir les beaux.

5. La polyvalence d'Andre 3000

Né le 27 mai 1975, André Benjamin est d'origine partiellement haïtienne. Feue maman Sharon l'a élevé seule avant qu'il retrouve provisoirement son père à l'adolescence. Rappeur surdoué, Andre 3000 a fait preuve d'un talent exceptionnel durant les années Outkast: multi-instrumentiste, chanteur, compositeur ouvert, parolier brillant, réalisateur visionnaire, entrepreneur. Qui plus est, il fut concepteur d'une série de dessins animés (Class of 3000) et a lancé une ligne de vêtements (Benjamin Bixby). En solo, toutefois, sa productivité musicale n'a pas été remarquable: aucun album, neuf singles, apparitions auprès de chanteurs et rappeurs - John Legend, Jay Z, Frank Ocean, bande originale de Gatsby le Magnifique, etc. Sa carrière d'acteur l'a mené à camper Jimi Hendrix dans le film All Is by My Side.

6. L'aplomb de Big Boi

Antwan Patton est originaire de Savannah, Géorgie; sa famille s'est déplacée à Atlanta, où il se révéla un des plus solides rappeurs et artistes hip-hop de sa génération. Au sein d'Outkast, il fut peut-être moins créatif que son collègue Andre 3000; en témoignent ses albums solos lancés depuis la pause prolongée du tandem, Purple Ribbon: Sir Lucious Left Foot: The Son of Chico Dusty, en 2010, et Vicious Lies and Dangerous Rumors, en 2012. Sa discographie compte aussi 22 singles et le Mixtape for Dummies: A Guide to Global Greatness. Pilier de la scène d'Atlanta, il a aussi donné un coup de pouce à Janelle Monae en la présentant à son pote Sean Puffy Combs. Enclin à l'entrepreneuriat, on le dit de tendance libertarienne, bien qu'il soit très soucieux de la condition socio-économique de sa communauté.

7. Le «dirty south»

Atlanta est le berceau d'un hip-hop sudiste, distinct des écoles East Coast et West Coast. Outkast y est pour beaucoup. Dans un rap balancé aux côtés de Goodie Mob, Big Boi avait formulé l'expression «dirty south» dès le début de l'aventure. L'étiquette a fait école, mais... peut-on vraiment parler d'un style? D'un esprit, à tout le moins. De prime abord, le dirty south exhalerait la culture des États sudistes de l'Amérique, ses villes, ses campagnes pauvres et délabrées, ses bagnoles modifiées, ses communautés noires séparées des blanches, ses accents qui traînassent, ses expressions sales, mais aussi sa modernité. C'était peut-être ainsi au début d'Outkast, dont l'art s'est complexifié et raffiné en un temps record. Pendant l'ascension du tandem, plusieurs artistes hip-hop/soul/R&B ont émergé d'Atlanta: Arrested Development, N'dea Davenport, India.Arie, The-Dream, Janelle Monae, Killer Mike et Childish Gambino, pour ne nommer que ceux-là.