Daniel Léveillé crée des chorégraphies depuis rien de moins que 45 ans. Celui qui a remporté le Grand Prix de la danse en 2017 est un vrai «régulier» du FTA. Il y a présenté hier, en première mondiale, son nouvel opus, Quatuor tristesse, encore à l'affiche pour deux soirs.

Avec cette création, Léveillé poursuit le travail amorcé avec Solitude solo (2012) et Solitude duo (2015). «Le solo allait de soi; je sortais d'une longue période de création et je trouvais qu'attaquer la forme solo, c'était un bon départ. La prochaine étape, c'était de mettre [les danseurs] ensemble, en duo. Les deux créations traitaient de la solitude, mais pas de l'isolement. Le sous-texte était: est-ce qu'on peut se débrancher cinq minutes?»

Logiquement, Quatuor tristesse explore donc la forme du quatuor, dans une structure en trois temps construite à la manière d'une sonate, explique le chorégraphe. Cette fois-ci, c'est à la tristesse que s'intéresse Léveillé. Un sentiment qu'il invite à accueillir plutôt qu'à combattre. «La tristesse, elle arrive, elle se pointe chaque jour. Je revendique la tristesse.»

S'il a connu plusieurs «périodes de création» depuis ses débuts dans les années 70, le chorégraphe évolue de plus en plus vers le minimalisme, une espèce d'ascèse chorégraphique qui lui permet de se rapprocher de sa quête de l'essentiel.

«Je me souviens, le silence dans la salle m'angoissait, et j'ai tenté de briser ce quatrième mur en utilisant beaucoup d'éléments théâtraux. Quand on commence, on est énervé, on pense qu'il faut ajouter des choses; mais non, l'essentiel de mon travail, c'est d'enlever le plus de pollution possible.»

Il peaufine donc une écriture chorégraphique qu'il dit «simple et formelle», mais qui demande une précision sans faille de la part des interprètes, dont la plupart sont des collaborateurs de longue date, rompus à son esthétique - seul Dany Desjardins est «nouveau» parmi les six danseurs qui composent Quatuor tristesse (Mathieu Campeau, Ellen Furey, Esther Gaudette, Justin Gionet, Simon Renaud).

«Mon travail n'est pas évident, on ne l'attrape pas du premier coup. Le maintien est particulier. Ce que je tente d'atteindre, c'est le degré zéro, la -position squelette" qui permet au spectateur de voir le déclenchement et la fin du mouvement dans le corps. On vise le moins de filtre possible, pour avoir une présence accrue à son partenaire, au public. La nudité contribue beaucoup à atteindre cet état-là.»

«Avec l'habillement, on est dans la séduction, alors que la nudité, c'est une ligne droite, une sorte de vérité, même si je n'aime pas utiliser ce mot.»

Cette technique difficile - voire impossible - à maîtriser permet l'atteinte de la liberté par la contrainte, croit le chorégraphe.

«C'est un peu comme un pianiste: c'est quand tu maîtrises la technique que tu gagnes la liberté et que l'interprétation peut commencer. Mon travail, c'est d'écrire avec le corps. Une chose que j'ai comprise récemment, c'est que la danse, ce n'est pas moi qui la crée; c'est ce que font les danseurs avec ce qui leur est demandé. Et cette partie, je ne la contrôle pas, je peux seulement l'orienter. C'est ça qui est fabuleux!»

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À la Salle rouge de l'Édifice Wilder aujourd'hui et demain, dans le cadre du Festival TransAmériques.