Écrivaine, scénariste et auteure dramatique depuis une trentaine d'années, Marie-Francine Hébert, qui se consacre principalement à la littérature jeunesse, dont l'oeuvre a été maintes fois récompensée. Notamment son superbe livre Nul poisson où aller (Les 400 coups), qui a reçu entre autres les prix Alvine-Bélisle, Christie et Marcel-Couture.

De la littérature, on a souvent dit qu'elle permettait de voyager sans sortir de chez soi. Est-ce selon vous le meilleur moyen, à la portée de tous, pour découvrir le monde?

La littérature m'a sauvé la vie; c'est dire le pouvoir que je lui attribue. Le pouvoir de nous distraire, bien sûr, mais aussi de nous consoler. Le pouvoir de nous ouvrir la porte de l'univers - autrement plus vaste que le patelin où la vie nous a échappé -, mais surtout le pouvoir de nous ouvrir la porte de la vie intérieure - autrement plus exaltante que la vie quotidienne. N'eût été une bibliothécaire du quartier de mon enfance, je n'y aurais peut-être jamais eu accès. Je l'en remercie infiniment!



À quel pays ou à quelle culture appartient véritablement un écrivain, à votre avis? La littérature est-elle un «autre pays»?

Si le domaine du coeur et de l'âme constitue un «autre pays», alors soit! Mais il est sans frontière, celui-là.

Quels auteurs vous ont fait découvrir des cultures que vous ne connaissiez pas ou ont élargi votre vision du monde?

Voici l'essentiel de ce que j'ai retenu des auteurs suivants:

La comtesse de Ségur: l'obéissance n'est pas une règle d'or. Göran Tunström: «La vie est difficile; l'important, c'est de survivre.» Mais passionnément. Anne Hébert: le droit à l'intériorité. Quino: la profonde légèreté du sens de la vie. Violette Leduc: la légitimité de la souffrance. Paul Robert (Le Grand Robert): l'amour de la langue française. Léandre Bergeron (Dictionnaire de la langue québécoise): le droit de cité de la nôtre.



Selon vous, qu'est-ce qu'un lecteur apprend sur lui-même quand il se rend au bout d'un livre?

Il en apprend autant que l'écrivain qui y est lui-même parvenu, du moins, je l'espère. Sinon, cela n'en vaut pas la peine.



Un salon du livre offre l'occasion de rencontrer les écrivains. Pourquoi, à votre avis, les lecteurs ont-ils envie de voir en chair et en os ceux qu'ils lisent? Que retirez-vous vous-même de ces rencontres?

Le lecteur se demande: «Quel est donc cet écrivain qui me touche tant? Comme s'il avait accès à mon âme et conscience? Comme s'il écrivait à travers moi?» L'auteur se demande: «Quel est donc ce lecteur qui me lit entre les lignes? Comme s'il avait accès à mon âme et conscience. Comme s'il lisait à travers moi?» Et puis, le lecteur et l'auteur se retrouvent face à face. Le physique, l'âge, le sexe, l'allégeance, tout diffère. Mais quelque chose d'indicible les relie. Qui les rassure sur le monde dans lequel ils vivent. Et ils s'y sentent moins seuls.



Lorsqu'on écrit pour la jeunesse, a-t-on une responsabilité plus grande que lorsqu'on écrit pour les adultes?

Il est faux de croire que les enfants sont dénués de conscience. Dès leur jeune âge, ils voient, sentent et perçoivent beaucoup plus de choses qu'on le croit. Mais faute d'expérience, ils apprennent par imitation. S'il leur arrive de chercher des modèles chez leurs pairs, ils les trouvent d'abord chez les adultes qui en prennent soin. Les enfants n'ont souvent pas le choix de les croire sur parole, car leur sécurité et leur survie en dépendent. Sans oublier l'ascendant de ceux qui les aiment ou qu'ils admirent...

Les parents, les éducateurs en garderie, les enseignants, les auteurs, les artistes... ont une immense influence sur eux. Alors, gare au prosélytisme sous toutes ses formes.

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Marie-Francine Hébert répondera aux questions de Danielle Vaillancourt dans le cadre de Confidence d'écrivain, jeudi à 11h au Carrefour Desjardins. Elle parlera aussi de la conception du livre Tu me prends en photo mercredi à 11h30 au Carrefour Desjardins.