Barbara Steinman a eu 73 ans vendredi. C’est toujours une artiste élégante, éloquente, brillante et en pleine forme !
Elle est très touchée d’avoir reçu le prix Borduas, récompense la plus prestigieuse décernée par le Québec aux artistes visuels. Et reconnaissante, car il survient comme le couronnement tardif d’une carrière d’exception. Cette artiste conceptuelle – qui a fait des études en littérature à l’Université McGill et en arts médiatiques à l’Université Concordia – a surtout été honorée à l’extérieur du Québec, notamment par le prix du Gouverneur général en 2002.
Représentée par les galeristes Olga Korper, à Toronto, et Françoise Paviot, à Paris, Barbara Steinman n’a jamais été gratifiée d’une rétrospective au Québec. Étonnant quand on considère l’incroyable parcours de cette artiste. Expositions au MOMA, à New York, au Stedelijk Museum d’Amsterdam, au Tate Liverpool, au Musée des beaux-arts de l’Ontario et au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC). En plus de participations à une expo internationale lors de la Biennale de Venise 1988 et aux biennales de Sydney, Séoul et São Paulo.
Ce sont ses années d’expérimentations à Vancouver qui ont mis au monde l’artiste Barbara Steinman. De 1974 à 1980, elle y a découvert le langage de la vidéo, devenant une des premières à l’incorporer dans des installations sculpturales. Elle y a fréquenté le dynamique centre d’artistes Western Front – qui fête ses 50 ans cette année – et réalisé des vidéos présentées notamment au Vancouver Art Gallery. Elle est revenue transformée à Montréal, où elle a dirigé Vidéo Véhicule, excroissance de l’ex-centre VéhiculeArt devenu PRIM en 1981, avant de prendre la direction de La Centrale galerie Powerhouse, de 1983 à 1985.
L’autre déclic de sa carrière aura été les Cent jours d’art contemporain de Montréal, organisés par Claude Gosselin. Elle y a exposé, en 1986, Cenotaphe, une œuvre sculpturale sur la disparition et l’exclusion, antérieurement créée pour une expo à Lyon. « Cenotaphe a été remarquée en Europe avant de l’être à Montréal, à São Paulo et en Allemagne, dit Barbara Steinman, dans un français impeccable. Le Musée des beaux-arts du Canada l’a acquise en 1987. »
L’engagement de Barbara Steinman s’est toujours exprimé de manière discrète, sans exubérance et sous les traits de concepts qu’il faut être prêt à déceler. Un style apprécié des amateurs de casse-tête visuel, ouvrant la porte de leur réceptivité. « Je me suis toujours donné pour mot d’ordre de m’adresser à la sensibilité des gens, dit-elle. Quels que soient leurs origines, leurs parcours et leurs histoires particulières. J’ose croire que c’est peut-être l’une des raisons qui ont fait que mes œuvres ont tant voyagé et été accueillies dans des contextes si divers, en Europe et en Amérique du Nord bien sûr, mais aussi en Asie, en Amérique latine et en Océanie. »
À la suite d’une visite à Prague où elle avait admiré de magnifiques lustres en cristal de Bohême, Barbara Steinman a eu l’idée de créer Lux, en 2000. L’installation évoque la notion de pouvoir, mais le cristal des élites éclairées a été remplacé par les chaînes d’acier des autorités brutales. Les cristaux sont au sol, où les ombres du lustre créent une cage éphémère. Une œuvre toujours d’actualité, acquise et exposée au MBAM.
L’artiste a eu ensuite la chance de croiser la commissaire montréalaise Ji-Yoon Han – qui prépare l’édition 2023 de la biennale montréalaise Momenta. Elle lui a permis, après des expos chez Pierre-François Ouellette, Roger Bellemare et Antoine Ertaskiran, de montrer son travail, en 2019, à la Fonderie Darling. Un travail sur la richesse et la vulnérabilité de l’humain, le credo de Barbara Steinman.
Barbara Steinman a aussi réalisé plusieurs projets d’art public. River, une œuvre in situ pour l’ambassade du Canada à Berlin en 2005, une autre pour l’ambassade du Canada à Moscou en 2010, et des œuvres extérieures à Toronto et à Vancouver. Elle prépare un solo à sa galeriste torontoise pour 2014 et expose, dès ce samedi (4 février), des photographies à la galerie TrépanierBaer, à Calgary.
Résiliente, Barbara Steinman a encore un grand besoin de créer. Elle rêve de participer à une expo collective avec des artistes québécoises de son époque. « Avec des femmes comme Geneviève Cadieux, Lyne Lapointe et Angela Grauerholz, qui ont toutes des œuvres dans les collections de nos musées, dit-elle. Car le temps passe. Durant la pandémie, j’ai réalisé que faire de l’art, penser, voir d’autres œuvres, ça ajoute une dimension essentielle à la vie. J’espère continuer le plus longtemps possible à m’exprimer à travers l’art. Car faire de l’art, c’est être proactif. »
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