En 2005, l'auteure et chroniqueuse gréco-américaine Arianna Huffington a lancé The Huffington Post, un site web de nouvelles et de commentaires à saveur progressiste, qui était destiné à faire un contrepoids au populaire site conservateur Drudge Report. Quatre ans plus tard, son rêve est devenu réalité: en février, The Huffington Post a reçu 8,9 millions de visiteurs uniques, contre 3,4 millions pour le Drudge Report, selon la firme Nielsen NetRatings. Ce succès a attiré l'attention: Mme Huffington commente régulièrement l'actualité à CNN, CBS et sur Politico.com. La Presse l'a récemment interviewée.

Q: Votre site, The Huffington Post, célébrera son quatrième anniversaire en mai. Quel était votre objectif lorsque vous l'avez fondé et avez-vous l'impression de l'avoir atteint?

 

R: Je voulais rassembler des gens de différentes périodes de ma vie et permettre des discussions intéressantes. Les discussions animées ont toujours fait partie de mes intérêts - ça doit être à cause de mon ADN grec et la façon dont j'ai été élevée. Ces conversations ont eu lieu autour de la table, lors de lancements littéraires, durant les randonnées en montagne avec des amis... Avec The Huffington Post, l'idée était de prendre ces discussions - à propos de la politique, des livres, des arts, de la musique, de la nourriture, du sexe - et de les emmener dans le cyberespace, en créant un point de ralliement pour les nouvelles, de l'opinion et des idées provocatrices, en temps réel. Je considère que nous avons atteint ces objectifs, mais nous en avons fixé de nouveaux en cours de route. Le meilleur reste à venir.

Q: Les gens d'allégeance progressiste sont généralement heureux qu'Obama soit à la Maison-Blanche. En tant que média progressiste, votre rôle est-il de critiquer Obama, de critiquer ses critiques ou les deux?

R: Aucun des deux. D'abord et avant tout, notre rôle est de chercher la vérité - peu importe où cela peut nous mener.

Q: Votre site est très critique à l'égard des républicains et des conservateurs. Était-ce plus facile à faire quand le parti était au pouvoir?

R: En fait, non. Aujourd'hui, le Parti républicain est en train d'imploser. Les républicains s'obstinent à traiter Obama de socialiste et sont incapables d'offrir des solutions aux crises que traversent les États-Unis. Ils ne font que proposer les mêmes idées qui nous ont menés dans le pétrin en premier lieu. C'est le vrai dilemme pour le Parti républicain: ses idées maîtresses ont été appliquées durant huit longues années - et elles nous ont menés au désastre. Ce n'est pas comme si nous n'avions fait qu'un bref essai routier avec les théories conservatrices: nous avons carrément acheté la voiture. Et elle s'est révélée être un citron. Alors, tant que les conservateurs n'inventent pas un nouveau modèle - et pas seulement une nouvelle couleur ou une option de vitres teintées - nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Q: Les journaux dépensent de plus en plus de temps et d'argent à tenter d'améliorer leur site internet, qui bien souvent est déficitaire. Quel conseil donneriez-vous à l'éditeur d'un journal?

R: La question clé à laquelle font face tous les gens qui travaillent dans les médias aujourd'hui est la suivante: est-ce que l'on décide d'exploiter et d'accepter les changements provoqués par l'arrivée de l'internet ou bien prétend-on pouvoir sauter à bord d'une machine à voyager dans le temps et retourner vers un passé qui n'existe plus et qui ne peut être ramené à la vie. Il est certain que, à mesure que nous progressons et que nous découvrons les nouvelles règles de la route, il va y avoir - et c'est une bonne chose - beaucoup d'expérimentations avec différentes formes de revenus. Or, ce qui ne marchera pas - ce qui ne peut pas marcher - c'est de prétendre que les 15 dernières années n'ont pas existé et que la survie de l'industrie passe par la dissimulation du contenu derrière de grandes palissades. Les habitudes des consommateurs ont changé. Les gens sont habitués à avoir leurs nouvelles quand ils le veulent, dans le format qu'ils veulent, comment ils le veulent, où ils le veulent. Et ce changement est là pour rester. Alors, au lieu d'essayer d'endiguer le flot de nouveautés et d'innovations, les grands médias doivent naviguer dans les rapides et tenter de tirer parti des nouvelles possibilités.

Q: Que pensez-vous des réseaux sociaux comme Twitter et Facebook? Vont-ils un jour jouer un rôle majeur dans la façon dont les gens consomment les nouvelles? Vont-ils bousculer les médias traditionnels?

R: Twitter et Facebook sont des exemples fascinants de réseau sociaux qui fonctionnent. Nous avons vu des exemples frappants du rôle de Twitter lors de récents événements d'actualité, comme le tremblement de terre en Chine ou lors de l'assaut terroriste à Bombay. Cela dit, l'élément clé pour comprendre l'avenir des médias n'est pas de prévoir le prochain type de plateforme en vogue, ou la façon dont l'information sera livrée - les technologies changent trop rapidement pour qu'on puisse faire des prédictions. L'idée est d'avoir du contenu et de le livrer d'une façon qui plaise aux gens. L'internet a permis aux consommateurs de nouvelles d'avoir beaucoup de latitude et de liberté - et cela va se poursuivre, sur plusieurs types de plateformes. Je crois que les gens engagés, qui veulent s'informer, ne constituent pas une espèce en voie de disparition.