Le modèle «collaboratif» sur internet n'en est encore qu'à ses débuts, estime l'un des principaux promoteurs de ce concept, le fondateur de l'encyclopédie en ligne Wikipedia, Jimmy Wales, dans une interview accordée à l'AFP.

Pour prouver l'impact de Wikipedia, le gourou du web, âgé de 42 ans, raconte comment lors d'une récente visite dans un bidonville en Inde il a «rencontré un jeune homme dans la rue qui lui a dit avoir utilisé Wikipedia pour passer ses examens de fin d'études secondaires».

«Waouh, c'est vraiment cool non? On a un impact, même dans un endroit comme celui où je parlais à ce gars, au milieu de rues pleines de boue, dans un environnement vraiment différent de Londres», relève-t-il.

«Nous sommes encore vraiment juste au début des efforts pour un modèle collaboratif», estime Jimmy Wales, qui s'exprimait en marge d'une cérémonie de remises de prix à Londres.

«Pour la vidéo, maintenant, on n'en est à beaucoup d'égards qu'à l'ère du Web 1.0», dit-il faisant référence à la période précédant le «Web 2.0», le renouveau de l'usage de l'internet avec notamment la possibilité pour les internautes d'interragir, un mode de fonctionnement incarné par Wikipedia.

«Si vous regardez presque tout ce qu'il y a sur (le site de partage de vidéos) YouTube, ils s'agit d'individus qui font des vidéos, que ce soient des vidéos de chats marrantes, ou de filles saoules», dit-il en plaisantant.

Mais «on n'a pas vu encore en vidéo des projets collaboratifs à grande échelle», souligne-t-il.

Jimmy Wales imagine au débotté l'exemple d'une vidéo pour le web réalisée en interviewant des gens autour du monde qui donneraient leur avis sur la guerre en Irak.

«C'est juste une idée idiote, mais imaginez ce qu'on pourrait obtenir avec 100.000 personnes qui réfléchiraient à des vidéos réalisées selon un modèle collaboratif pour créer des documentaires, ou des comédies, de l'art ou quoi que ce soit», suggère-t-il.

«Donc je pense qu'il y a encore beaucoup à faire», remarque-t-il.

Jimmy Wales reconnaît que la collaboration a ses limites : «Si l'on veut écrire un roman sur un deuil et une rédemption, il est probable que l'on ne puisse pas faire appel à la collaboration du public, parce que c'est vraiment une vision individuelle et une vision du monde».

«Mais pour des informations basiques, je pense qu'avoir un dialogue public ouvert, un débat et un processus démocratique, cela semble être (un modèle) très puissant».

Le fondateur de Wikipedia souligne aussi que des mesures importantes doivent être envisagées pour empêcher les gouvernements de profiter des informations personnelles, qui sont de plus en plus stockées sur de grandes bases de données informatiques.

Il estime que le risque d'un usage abusif de ces données sur les citoyens par des gouvernements est «une inquiétude», faisant écho au récent rapport de l'organisation Statewatch mettant en garde contre le fait que les gouvernements européens sacrifient de plus en plus les libertés civiles pour obtenir un accès illimité aux données personnelles, au nom de la sécurité.

«L'une des choses intéressantes à laquelle on doit vraiment réfléchir est comment, quand on utilise internet, on laisse une empreinte digitale partout», dit-il.

«Et ce n'est pas juste internet, mais les téléphones mobiles, et tout le reste. Je suis certain que si quelqu'un veut se donner la peine, il est assez facile de retracer mes déplacements autour du globe.»

«C'est quelque chose auquel la plupart des gens ne pensent pas, ils n'y pensent pas parce que honnêtement, personne ne s'intéresse à ce que font la plupart des gens.»

Mais alors que la puissance des ordinateurs augmente, «nous devons vraiment réfléchir aux contrôles politiques nécessaires pour empêcher les gouvernements d'abuser de ce type d'informations».