Gilles Audette a pour passion l'agriculture biologique, même s'il en parle avec une voix d'un calme désarmant. Pourtant, derrière cette image se cache un entrepreneur hyperactif de 70 ans qui est à la tête d'Agri-Fusion, la plus grande ferme biologique du Québec. Il y a deux ans, il a investi près de 10 millions de dollars pour acheter des terres, une somme à laquelle s'ajoutent des investissements de 1 million chaque année.

Un choix stratégique

L'agriculteur a entrepris sa carrière en 1971. Pendant 25 ans, c'est la production laitière qui l'a tenu occupé. Au début des années 2000, une crise financière a frappé son secteur. « Le biologique était au départ un choix stratégique et financier. La prise de conscience environnementale est venue par après », admet l'homme d'affaires. En compagnie de trois autres producteurs, ils se sont regroupés à Saint-Polycarpe, en Montérégie, et ont commencé la production biologique à grande échelle.

Une production rentable

La conversion des terres pour répondre aux critères du nouveau mode de culture ne s'est pas faite sans soubresauts. « Les débuts ont été inquiétants, car il faut se défaire de pratiques que l'on a exercées pendant 30 ans. On ne savait pas si nous allions avoir des rendements, et les revenus dépendent de cela », témoigne le producteur.

Dans son cas, l'inquiétude a fait place à la satisfaction. « J'ai 80 % du rendement du conventionnel, mais je vends ma production deux fois et demie plus cher. Une tonne de maïs conventionnelle se détaille autour de 200 $, et pour le bio, c'est de 500 à 525 $ la tonne. L'agriculture biologique est rentable », affirme-t-il.

Aujourd'hui, Agri-Fusion produit une dizaine de cultures différentes (maïs, haricots, brocolis, soya, etc.) qu'elle vend à des clients comme duBreton, La Milanaise et Bonduelle. « Il a fallu convaincre Bonduelle, car au début, ils ne croyaient pas que les rendements seraient aussi bons. Nous leur avons prouvé le contraire. »

Des sceptiques et des adeptes

Gilles Audette a fait des conférences durant des années, mais convertir les producteurs québécois n'est pas une tâche facile. « Les drapeaux rouges sont levés, le Roundup est partout, mais on sent un déni. Les producteurs sont des gens fiers. Beaucoup sont venus chez nous, mais mes champs ne sont pas beaux. Certains m'ont même dit qu'ils auraient besoin d'un psychologue pour accepter des champs qui ont l'air de ça », raconte Gilles Audette.

L'agriculteur ne s'en fait plus avec ceux qui doutent ou qui n'ont pas saisi l'impact environnemental de l'agriculture traditionnelle. Il revient tout juste d'une conférence consacrée à l'agriculture biologique en Allemagne, où 4000 exposants étaient présents, et affirme que l'avenir est là. « La compétition s'annonce féroce. Les deux gros marchés que sont l'Europe et les États-Unis sont bel et bien là, et les consommateurs forcent les changements. »

Peu importe ce qui arrivera, le producteur hyperactif s'active et multiplie les projets. Uniquement cette année, il a créé des partenariats avec les Fermes Lufa et les marchés Avril. Maintenant, il vise à augmenter le nombre de ses cultures et à faire une incursion dans les Costco.

Agri-Fusion en bref

Année de fondation : 2000

Siège social : Saint-Polycarpe (Montérégie)

Nombre d'employés : 25

Chiffre d'affaires : 10 millions de dollars