Airbus estime avoir fait un pari en prenant une participation majoritaire dans la C Series de Bombardier. Le succès du projet - la hausse des ventes attendue - devra passer par une baisse des prix des fournisseurs, maintenus artificiellement élevés jusqu'ici par le faible volume de la production.

Selon Klaus Richter, directeur des approvisionnements chez Airbus, le géant européen « a fait un pari » en prenant sous son aile la C Series. Aussi Airbus devra d'abord « retravailler avec les fournisseurs les coûts du programme ».

« Aujourd'hui, il y a un écart, si on peut dire. C'est un pari qu'on pense pouvoir gagner et après, ce sera un succès pour les fournisseurs impliqués », a souligné M. Richter, en point de presse au côté du premier ministre Philippe Couillard.

Quand on lui demande si les fournisseurs québécois de Bombardier devront baisser leurs prix, il explique que la faible demande pour les appareils a fait gonfler le prix des approvisionnements.

« Aujourd'hui, on a des prix qui sont contaminés parce que le volume garanti était très, très petit. Si le programme [business case] commence à augmenter, cela va aider beaucoup », observe-t-il. C'est le « pari » fait par Airbus, explique-t-il. Avec plus de commandes, les fournisseurs feront aussi des économies d'échelles qui se refléteront dans leurs prix, comprend-on.

Officiellement, les appareils de la C Series devaient se vendre plus de 80 millions pièce. Pour stimuler des ventes faméliques, Bombardier avait dû accorder d'importants rabais, restés confidentiels. Dans son action contre Bombardier, Boeing avait estimé que les appareils vendus à Delta l'avaient été à environ 23 millions pièce.

Klaus Richter rappelle aussi que la société achetait déjà, chaque année, pour 1 milliard de dollars à des fournisseurs canadiens, et qu'avec la croissance des ventes attendues de la C Series, ces résultats seraient augmentés. Avec cette entente, le Canada devient le cinquième pays où Airbus détient des usines.

Airbus réunira en octobre à Montréal l'ensemble de ses fournisseurs, pour tous ses programmes, des entreprises issues de 15 pays.

« LA SEULE ISSUE »

Pour le premier ministre Couillard, sans ce partenariat avec le géant mondial de l'aéronautique Airbus, la C Series de Bombardier se dirigeait carrément vers un échec. Pour lui, la transaction d'octobre dernier est « la seule issue qui permette d'avoir un avenir viable pour la C Series ».

La transaction avec Airbus « permet de donner un horizon de milliers d'appareils au lieu d'un horizon excessivement incertain », a-t-il observé après sa visite des gigantesques ateliers où Airbus assemble ses très gros porteurs A380.

Il hausse le ton quand on lui demande si les contribuables qui ont appuyé la C Series à coups de milliards depuis 10 ans ont été floués. Airbus obtient sans débourser un sou le contrôle de la société en commandite dans laquelle le gouvernement Couillard avait pris une participation de 1,3 milliard l'an dernier. Les engagements quant au maintien des emplois et du siège social seront en vigueur jusqu'en 2041.

Pour Philippe Couillard, Bombardier n'avait pas le choix. Mieux vaut partager les profits d'un avion qui se vend partout dans le monde plutôt que de conserver la totalité d'un projet voué à l'échec, résume-t-il.

« L'avenir de la C Series, seulement avec Bombardier, ne permettait pas d'affronter le marché mondial. Elle n'a pas la taille pour distribuer un avion de ligne dans le monde entier. Cela prend une infrastructure de vente et de services énorme.

« On l'avait dit dès le début, c'était Boeing, Airbus ou les Chinois ; je suis content que ce soit Airbus », souligne-t-il. Airbus mettra toute sa force de vente, toute son infrastructure internationale au service de sa nouvelle gamme d'appareils de 100 à 150 places.

Pour Tom Enders, grand patron d'Airbus, le Québec est un « pays d'excellence en aéronautique ».

La transaction sera bouclée à l'été, prédit-il. Reste à traverser l'évaluation des organismes de contrôle de la concurrence au Brésil.

Le marché des avions de la taille de la C Series peut atteindre 6000 appareils sur les 20 prochaines années, et Airbus, avec cet ajout à la gamme de ses produits, a bon espoir « d'atteindre la majorité » de ce marché potentiel.

PRINCIPAUX FOURNISSEURS DE LA C SERIES

• Delastek (Grand-Mère)

• Marinvent Corporation (Saint-Bruno-de-Montarville)

• Mecachrome (Mirabel)

• Elisen Technologies (Dorval)

• Aeroconseil (Montréal)

• Pratt & Whitney (Mirabel)

• CAE (Dorval)

Source : Bombardier

Photo Alain Roberge, La Presse

Airbus souhait diminuer les coûts de production de la C Series en baissant ses coûts d'approvisionnement.