La Caisse de dépôt et placement du Québec a lancé un pavé dans la mare lundi en annonçant qu'elle «n'appuie pas» la réélection de Pierre Beaudoin à la présidence du conseil d'administration de Bombardier.

Il s'agit d'une décision significative puisque M. Beaudoin est le petit-fils du fondateur de l'entreprise, Joseph-Armand Bombardier, et le fils de Laurent Beaudoin, qui l'a transformée en multinationale.

L'institution a de plus indiqué qu'elle voterait contre la politique de rémunération des hauts dirigeants de Bombardier, qui suscite la colère partout au pays depuis la fin mars. Même si Bombardier est dans une situation financière difficile, les émoluments de ses patrons sont en hausse de près de 50%. Face au tollé, le versement des primes à long terme a finalement été reporté de 2019 à 2020 et Pierre Beaudoin a renoncé à l'augmentation de sa rémunération.

Dans une lettre publiée sur son site internet en vue de l'assemblée annuelle de Bombardier, qui se tiendra jeudi à Dorval, la Caisse affirme que les décisions du conseil d'administration sur la rémunération de la haute direction «ne sont pas à la hauteur des normes de gouvernance et de responsabilité nécessaires envers les parties prenantes».

«Nous croyons que le conseil doit mieux évaluer et mieux équilibrer les différents intérêts de ses parties prenantes. Afin de permettre au conseil de jouer ce rôle crucial et ainsi, de se diriger vers une amélioration claire de la gouvernance de la société, nous sommes d'avis que le conseil de Bombardier devrait être dirigé par un administrateur complètement indépendant», écrit la première vice-présidente aux affaires juridiques de la Caisse, Kim Thomassin.

Consultez la lettre de la Caisse

Appui à Bellemare

L'institution assure que le PDG Alain Bellemare et son équipe de direction ont tout son «appui» et sa «confiance». «Bien que leur travail en soit encore à ses débuts, les progrès réalisés jusqu'à maintenant, étape par étape, nous permettent de croire qu'ils complèteront le redressement de la société et positionneront Bombardier sur la voie de la haute performance à long terme», peut-on lire dans la lettre de Mme Thomassin.

Celle-ci ajoute toutefois que «l'atteinte de cet objectif exigera une détermination tout aussi importante» en ce qui a trait aux pratiques de gouvernance de l'entreprise. «La composition, la gestion et la direction du conseil d'administration doivent absolument s'améliorer afin que la société livre les résultats attendus de son plan et réalise son plein potentiel», prévient-elle.

«Le conseil d'administration de Bombardier a pris connaissance de la position exprimée par la Caisse de dépôt et placement», a brièvement réagi l'entreprise lundi, en rappelant que l'élection des administrateurs et la rémunération de la haute direction sont à l'ordre du jour de l'assemblée de jeudi.

Parmi les 15 membres du conseil de Bombardier, on compte cinq membres de la famille Bombardier-Beaudoin-Fontaine, six administrateurs étrangers, M. Bellemare, l'ancien chef des finances de Google Patrick Pichette et l'ex-vérificatrice générale du Canada Sheila Fraser.

La Caisse détient environ 2,4% des actions de catégorie A et B de Bombardier, ce qui en fait le deuxième actionnaire en importance de l'entreprise derrière la famille Bombardier-Beaudoin-Fontaine. Celle-ci contrôle toutefois plus de 50% des droits de vote grâce à ses actions de catégorie A.

Opposition aussi dans l'Ouest

Un autre actionnaire public de Bombardier, la British Columbia Investment Management Corporation (bcIMC), a aussi voté contre la politique de rémunération de l'entreprise en plus de s'opposer à la réélection de tous les administrateurs de la famille Bombardier-Beaudoin-Fontaine.

«Le programme (de rémunération) n'est pas suffisamment en phase avec la performance, n'est pas assez transparent et n'est pas aligné avec les meilleurs pratiques», a fait valoir l'investisseur à La Presse canadienne.

Deux autres actionnaires publics importants de Bombardier, l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et le fonds souverain de la Norvège, n'ont pas encore divulgué comment ils entendaient voter en vue de l'assemblée annuelle. À la fin avril, les deux principales agences de conseil en vote, ISS et Glass Lewis, ont toutes deux exprimé des réserves sur la politique de rémunération de Bombardier, Glass Lewis allant jusqu'à recommander aux actionnaires de voter contre.

Le Régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers) s'est par ailleurs prononcé contre la réélection de Pierre Beaudoin au conseil d'administration de Power Corporation en raison d'une assiduité jugée insuffisante. Power Corporation est propriétaire de La Presse.