Claude Béland, qui a présidé le Mouvement Desjardins et le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), enjoint les investisseurs mécontents de Bombardier à se déplacer à l'assemblée annuelle de l'entreprise pour s'opposer en personne aux importantes augmentations de salaire octroyées aux membres de sa haute direction.

Compte tenu de la situation dans laquelle se trouve la multinationale québécoise, M. Béland a qualifié ces augmentations «d'injustes» et «indécentes».

«Je pense que le seul recours des actionnaires en ce moment, c'est de montrer leur mécontentement», a dit celui qui a dirigé le MÉDAC de 2008 à 2012, vendredi, au cours d'un entretien téléphonique.

M. Béland a reconnu qu'il est difficile, voire impossible, de faire plier la famille Beaudoin-Bombardier sur l'aspect de la rémunération de ses patrons, puisque les actions à droit de vote multiple lui permettent de contrôler 53,23 pour cent des droits de vote.

À l'instar de plusieurs, l'ancien président de Desjardins juge que le montant global de 32,6 millions $ US - en hausse de 50 pour cent sur un an - octroyé aux six plus hauts dirigeants du constructeur d'avions et de trains est exagéré, alors que Québec a injecté 1,3 milliard $ dans la CSeries et que le gouvernement Trudeau vient de consentir un prêt de 372,5 millions $.

C'est du «jamais vu», estime-t-il, étant donné que la compagnie s'est retrouvée près de la faillite et qu'elle a été sauvée «avec l'argent du public et des actionnaires».

«Cela heurte tellement le simple bon sens en plus de démontrer les difficultés du système capitaliste financier actuel, a lancé M. Béland. Les pauvres actionnaires minoritaires (...) se retrouvent avec un investissement sans un important droit de parole.»

L'avocat devenu gestionnaire a dit ne pas avoir apprécié la déclaration du premier ministre Philippe Couillard à l'effet que la controverse entourant la rémunération relevait des actionnaires de la société.

Bombardier (TSX:BBD.B) tiendra son assemblée annuelle le 11 mai, à son centre montréalais de finition des avions d'affaires Global, à Dorval.

L'an dernier, la résolution consultative non contraignante sur l'approche de l'entreprise en matière de rémunération des membres de la haute direction avait été appuyée dans une proportion de 96,06 pour cent par les actionnaires.

Depuis quelques jours, le MÉDAC a par ailleurs dit avoir reçu des appels d'actionnaires mécontents désireux de lui transmettre leurs procurations en vue des votes de l'assemblée annuelle.

Entre-temps, des investisseurs particuliers contactés par La Presse canadienne ont exprimé un souhait similaire à celui de M. Béland, écorchant au passage la direction de Bombardier.

Non seulement le dividende a été éliminé en 2015, mais ces derniers estiment que l'investisseur moyen n'a pas son mot à dire en raison des actions à droit de vote multiple.

«C'est frustrant et c'est trop, a déploré Ronald Clavel, qui détient plus de 10 000 actions. Quand on regarde les augmentations de salaires qu'ils se sont octroyées, c'est comme avoir les deux mains dans le plat de bonbons.»

Irrité, M. Clavel ne vendrait pas ses actions «demain matin» parce qu'elles ont perdu de la valeur, mais n'hésiterait pas à liquider sa position s'il était en mesure de «récupérer ses pertes».

Pour leur part, Michel Vallières, un retraité de Bombardier, et John Chambers, qui détiennent chacun «quelques milliers» de titres, comptent se déplacer pour aller interpeller la direction de l'avionneur québécois.

«Même si on ne remporte pas le vote, j'aimerais que les gens s'expriment de façon marquée contre la rémunération parce qu'on pourrait envoyer un message», a dit M. Chambers.

Puisque leurs actions de Bombardier ont également perdu beaucoup de valeur au fil du temps, MM. Vallières et Chambers ne veulent pas les vendre dans l'immédiat. Ils affirment cependant ne pas avoir le goût d'investir davantage dans la société.

Photo Ivanoh Demers, archives La Presse

L'ancien président du Mouvement Desjardins et du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), Claude Béland