Le gouvernement du Québec et Air Canada ont convenu de suspendre les procédures qui les opposent devant la Cour suprême dans le dossier Aveos, indique un avis publié par le plus haut tribunal canadien.

«Une entente est survenue entre les deux parties pour reporter la décision sur la demande d'autorisation d'appel jusqu'au 15 juillet 2016», indique le registre.

Air Canada souhaite obtenir l'autorisation d'en appeler d'une décision de Cour d'appel du Québec, qui a donné raison au gouvernement du Québec.

L'État québécois contestait la fin des activités d'entretien et de révision d'Air Canada à Montréal, ce qui a entraîné plus de 1700 mises à pied en 2012 chez le sous-traitant Aveos.

La semaine dernière, le premier ministre Philippe Couillard a annoncé que le gouvernement renoncerait à faire valoir ses droits sur le maintien de ces emplois si le transporteur achète 45 avions CSeries de Bombardier.

Mardi, M. Couillard a répété que le recours ne serait pas abandonné avant qu'Air Canada finalise le contrat avec l'entreprise aéronautique.

Mais le registre de la Cour suprême indique que les deux parties ont convenu dès vendredi dernier de la suspension des hostilités, une décision prématurée selon le syndicat qui représente les ex-employés d'Aveos.

Dave Chartrand, coordonnateur de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA), a estimé mardi que le gouvernement du Québec était en bonne position de remporter cette nouvelle manche devant Air Canada.

«La Cour suprême aurait dit non, on n'entend pas la cause parce qu'on ne renversera pas les décisions des deux tribunaux inférieurs parce qu'elles sont solides. À partir de ce moment-là, le gouvernement aurait eu un as de plus dans sa poche durant la négociation avec Air Canada pour le rapatriement de 1700 emplois et du travail à l'extérieur», a-t-il dit.

L'AIMTA estime que le gouvernement a sacrifié les employés d'Aveos en échange de l'engagement d'Air Canada pour l'entretien de ses 45 appareils CSeries.

M. Chartrand a affirmé que le gouvernement québécois doit s'opposer à l'intention d'Ottawa d'assouplir la loi qui exige qu'Air Canada maintienne ses activités d'entretien au Canada, dont Montréal.

«S'il doit s'opposer? Sans savoir ce qu'il y a là-dedans, bien évidemment, oui», a-t-il dit.

De telles modifications pourraient notamment augmenter la délocalisation d'emplois d'entretien sur les appareils d'Air Canada, a souligné le représentant syndical.

«On des gens chez Air Canada qui font de l'entretien d'avion, c'est juste qu'ils ne font plus l'entretien lourd, a-t-il dit. Mais ils font l'entretien de ligne et j'espère que ça ne menacera pas ces emplois aussi.»

Mardi, le premier ministre Couillard a déclaré que l'État québécois n'était pas en position d'exiger quoi que ce soit d'Air Canada concernant le nombre d'emplois qui pourrait être créé si le transporteur accepte de faire l'entretien lourd de ses appareils Bombardier à Montréal.

M. Couillard a affirmé qu'en échange de l'abandon de son recours judiciaire contre le transporteur, le gouvernement insistera néanmoins sur le souhait que 1000 postes soient créés.

«Ce n'est pas à l'État de dicter à une entreprise quelles sont ses politiques en termes de maintien d'emplois, a-t-il dit. On va insister et ça fait partie des conditions pour qu'éventuellement le recours judiciaire soit levé, ce qui n'est pas le cas. On va insister pour que ce centre d'entretien des Séries C soit confirmé.»

Dans un point de presse, à l'Assemblée nationale, M. Couillard s'est montré réticent à s'engager dans ce qu'il a qualifié de débat «stérile» concernant le maintien des activités de grand entretien d'avions à Montréal.

Le premier ministre a mis l'accent sur l'importance de soutenir le secteur aéronautique montréalais grâce à la vente d'appareils CSeries de Bombardier, un programme dont l'État québécois est actionnaire.

«Je reviens en arrière parce qu'on nous fait toujours dévier dans une direction qui est stérile, ce n'est pas ça le débat, a-t-il dit. Le débat c'est la survie de Bombardier Aéronautique, la survie du secteur aéronautique de Montréal et la nécessité d'avoir cette commande.»

Malgré la décision de la Cour d'appel favorable au gouvernement du Québec, face à Air Canada, M. Couillard a expliqué que les employés de la société d'entretien Aveos ne retrouveraient pas pour autant leurs postes.

«C'est une illusion malheureusement cruelle de laisser penser aux gens, qui auparavant travaillaient pour Aveos, que si le recours juridique éventuellement allait dans le direction souhaitée, qu'ils retrouveraient leur emploi, a-t-il dit. C'est tout simplement pas comme ça que ça arriverait.»

Par ailleurs, M. Couillard a précisé qu'il souhaite que l'entretien soit fait dans la grande région de Montréal, incluant Mirabel, tel que prévu à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada (LPPCAC).

«Je partage l'avis du maire de Montréal (Denis Coderre) que Montréal ou la grande région de Montréal est toute désignée pour ça», a-t-il dit.

En Chambre, M. Couillard a précisé que les nouveaux emplois devront s'ajouter aux 200 de l'entreprise Premier Aviation de Trois-Rivières, qui effectue l'entretien des appareils Embraer d'Air Canada.

Après la période des questions, la Coalition avenir Québec (CAQ) a présenté une motion demandant au gouvernement québécois de ne pas renoncer à ses recours juridiques pour le maintien des emplois d'Aveos pour l'entretien des appareils d'Air Canada.

La motion, qui a reçu l'appui du Parti québécois et de Québec solidaire, demandait également au gouvernement fédéral de maintenir les dispositions de la LPPCAC qui obligent Air Canada à garder son entretien à Montréal.

Les libéraux ont cependant bloqué son adoption en prétextant que la cause pourrait se retrouver devant la Cour suprême, à la suite du dépôt en janvier d'une requête d'en appeler par Air Canada.

Le chef caquiste François Legault avait tenté plus tôt d'obtenir l'appui de M. Couillard pour empêcher l'initiative de ministre fédéral des Transports.

«On a un ministre à Ottawa, Marc Garneau, qui semble pressé de changer la loi, a-t-il dit. Or, si la loi d'Air Canada est changée, il ne pourra plus poursuivre Air Canada.»

Le chef péquiste Pierre Karl Péladeau a de son côté réclamé la publication de l'entente du gouvernement avec le transporteur.

«Est-ce que le premier ministre s'engage à rendre publics les termes de l'entente avec Air Canada ou nous devrons conclure que ce sont des ententes secrètes?», a-t-il dit.

M. Couillard s'est limité à indiquer que «certains détails» seront divulgués «au moment requis».

«On est devant une entreprise privée qui fonctionne dans un environnement excessivement compétitif», a-t-il dit.