Le rêve du Canadien Pacifique de créer le plus grand chemin de fer en Amérique du Nord pourrait se heurter à certains obstacles s'il faut se fier à l'accueil plutôt tiède que Norfolk Southern a réservé à son offre de 28 milliards $US pour en prendre le contrôle.

La nouvelle entité née de la proposition de regroupement serait responsable d'un réseau ferroviaire de 53 000 kilomètres - ce qui est plus grand que la circonférence de la Terre - qui relierait les océans Pacifique et Atlantique, ainsi que le golfe du Mexique.

La transaction serait bien accueillie par l'industrie du transport de pétrole par rail, qui a connu une forte croissance ces dernières années, une tendance qui devrait se poursuivre.

Mais le CP devra surmonter certains obstacles, notamment les inquiétudes face à la concentration, la possible opposition des syndicats et la réaction de Norfolk Southern, qui a décrit l'offre comme «une manifestation d'intérêt non sollicitée, à faible prime, non contraignante et hautement conditionnelle».

Dans une missive datée du 9 novembre, le chef de la direction du CP, Hunter Harrison, a indiqué à son égal chez Norfolk Southern que le regroupement de leurs réseaux déboucherait sur un potentiel de croissance des bénéfices plus rapide que celui de n'importe quel autre transporteur ferroviaire seul, en plus de diversifier leur volume d'affaires.

«Nous croyons que le regroupement de nos deux grandes organisations nous permettra de former un chemin de fer transcontinental intégré dont la taille et la portée permettront de livrer des niveaux inégalés de sécurité et de service à nos clients et nos communautés, tout en augmentant la concurrence et en créant une valeur significative pour les actionnaires», a-t-il écrit dans sa lettre au chef de la direction de Norfolk Southern, Jim Squires.

Le contenu de la lettre n'a été dévoilé que mercredi. Le CP avait demandé à M. Squires de ne pas la rendre publique avant que les deux patrons se rencontrent, vendredi dernier.

Le CP a présenté une offre composée à parts égales d'espèces et d'actions, qui verrait les actionnaires de Norfolk Southern obtenir 46,72 $ US en argent et 0,348 action de la nouvelle entité en échange de chaque action de Norfolk qu'ils détiennent.

Les actionnaires de Norfolk Southern détiendraient une participation de 41 % dans le nouveau transporteur, qui serait inscrit à la cote des Bourses de New York et de Toronto.

Opposition attendue

Même si des analystes de l'industrie estiment que la consolidation a du sens, ils sont conscients que la proposition de transaction risque de se heurter à une forte résistance de la part des autorités réglementaires et à l'opposition potentielle de certains expéditeurs et syndicats.

Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, croit que Norfolk Southern va rejeter la proposition. «Cette offre représente davantage le point de départ d'un processus de négociation», a-t-il écrit dans un rapport.

Le CP espère pouvoir conclure une transaction d'ici la fin de 2017. Mais M. Poirier croit que le processus réglementaire pourrait s'étirer sur deux à quatre ans avant d'être complété.

En outre, même si les activités des deux transporteurs ferroviaires ne se recoupent pas beaucoup, leur taille combinée pourrait soulever des questions au sujet de la concentration, a noté l'analyste David Tyerman, de Canaccord Genuity.

Selon lui, le Canadien Pacifique a choisi une approche proactive en proposant de donner aux expéditeurs l'option d'effectuer des transferts avec d'autres chemins de fer s'ils jugent que la nouvelle entreprise n'offre pas un service adéquat ou des taux concurrentiels.

Le CP estime aussi que la fusion réduirait la congestion dans la région de Chicago en utilisant des centres négligés, ce qui libérerait de la capacité pour les autres chemins de fer en activité dans la ville sans forcer la mise en place de nouvelles infrastructures.

Mais les syndicats, potentiellement inquiets de la relation parfois tumultueuse du CP avec ses employés, pourraient s'objecter à l'accord, tout comme d'autres transporteurs pourraient faire valoir qu'ils sont désavantagés du point de vue concurrentiel par rapport au réseau transcontinental de la nouvelle entreprise-, a ajouté M. Tyerman.

Des avantages pour le transport de brut

La fusion du deuxième plus grand chemin de fer au Canada avec un des plus grands aux États-Unis devraient entraîner des économies d'exploitation annuelles de plus de 1,8 milliard $ US, selon le CP.

La nouvelle entité compterait initialement plus de 44 000 employés, mais ce nombre serait vraisemblablement réduit pour améliorer l'efficacité et réduire le ratio d'exploitation. Ses profits annuels s'élèveraient à plus de 3,1 milliards $, soit environ le double de ceux du CP, tandis que ses revenus annuels seraient de 21,5 milliards $, a estimé le CP.

Le nouveau transporteur sera moins exposé au secteur des céréales et aura une plus grande présence dans le secteur des biens industriels et des biens de consommation, en plus du charbon.

Si elle va de l'avant, la fusion sera bonne pour le secteur du transport de brut par rails, a estimé M. Poirier. «Elle créera un réseau unique qui regroupe les régions des sables bitumineux aux raffineries sur la côte Est américaine», a-t-il écrit.

L'action du Canadien Pacifique a pris mercredi 10,26 $, soit 5,6 %, pour clôturer à 194,94 $ à la Bourse de Toronto. Celle de Norfolk Southern, qui a reculé à un creux de 52 semaines de 72,10 $ US en août, a gagné mercredi 6,4 % à 92,49 $ US à New York.