La CSeries devra retarder son atterrissage à l'aéroport Billy Bishop, à proximité du centre-ville de Toronto.

Le conseil exécutif de Toronto a suivi la recommandation du personnel de la Ville et reporté à l'année prochaine l'étude du projet présenté par Porter Airlines. Cette décision pourrait remettre en question une commande conditionnelle pour 12 appareils CS100, le plus petit membre de la famille CSeries. Cette commande est assortie d'options pour 18 appareils additionnels.

En vertu d'un accord tripartite conclu entre la Ville de Toronto, Transports Canada et l'Administration portuaire de Toronto, les biréacteurs ne peuvent atterrir à l'aéroport Billy Bishop. Pour permettre l'exploitation de la CSeries à cet aéroport, il faut amender l'accord et allonger la piste d'atterrissage de 200 mètres à chaque extrémité.

Après avoir entendu pendant la journée plus d'une centaine de partisans et d'opposants, les membres du conseil exécutif ont décidé, tard hier soir, de reporter la décision à l'année prochaine afin de recueillir entre-temps davantage d'information au sujet des conséquences du projet sur l'environnement, la circulation et l'utilisation des berges de Toronto.

Il y aura des élections municipales à Toronto en octobre. La prochaine administration pourrait être moins favorable au projet de Porter Airlines que l'administration Rob Ford.

Le président du transporteur, Robert Deluce, s'est quant même montré satisfait de la décision. Le conseil exécutif aurait pu décider de rejeter sur-le-champ le projet de Porter.

«Le rapport du personnel de la Ville de Toronto constitue un bon cadre pour poursuivre les discussions, a-t-il déclaré. Il s'agit maintenant de revoir l'échéancier.»

Porter devra notamment discuter avec Bombardier. En vertu d'une entente avec l'avionneur, Porter devait confirmer ce printemps sa commande conditionnelle.

En théorie, le conseil municipal pourrait renverser la décision du conseil exécutif et donner l'aval au projet le 1er avril prochain, mais c'est peu probable, le conseil municipal étant encore moins favorable que le conseil exécutif à l'exploitation de biréacteurs à Billy Bishop.

Bombardier et Pratt&Whitney étaient venus à l'hôtel de ville de Toronto hier pour donner un coup de pouce au transporteur.

Les avantages étalés

Le grand patron du programme CSeries, Rob Dewar, a fait une courte présentation aux membres du conseil exécutif pour faire valoir les avantages environnementaux de l'appareil, soit une réduction importante du bruit et des émissions polluantes comparativement aux autres appareils de sa catégorie en production.

«Cela en fait un avion exceptionnellement bien adapté à une exploitation dans un environnement urbain», a-t-il soutenu.

De son côté, le vice-président du soutien global à la clientèle de Pratt&Whitney, Andrew Tanner, a expliqué comment l'architecture particulière du moteur de la CSeries, soit une soufflante pouvant tourner plus lentement que le coeur du moteur, permettait de réduire le bruit, la consommation de carburant et les émissions polluantes.

«Ça révolutionne l'industrie», a-t-il soutenu.

Après sa présentation, M. Dewar a déclaré à La Presse Affaires qu'il était normal pour Bombardier de venir soutenir ses clients.

Porter Airlines a également obtenu l'appui de représentants syndicaux, et notamment du président de la section locale 673 d'Unifor, Gus Goncalves, qui représente les syndiqués de l'usine de Havilland de Bombardier.

Cette usine de la région torontoise construit l'appareil biturbopropulsé Q400, qu'exploite présentement Porter Airlines.

M. Goncalves a noté que la commande conditionnelle de Porter pour des appareils CS100 comprenait six appareils Q400 supplémentaires.

Il a expliqué que le prolongement de la piste d'atterrissage prévu dans le projet de Porter permettrait au Q400 de décoller avec davantage de carburant et donc de desservir sans escale de nouvelles destinations, plus éloignées, comme Winnipeg et Atlanta.

«Ce projet est bon non seulement pour Bombardier dans la région de Montréal, mais aussi pour Bombardier ici à Toronto», a-t-il expliqué à La Presse Affaires après sa présentation.

Il a toutefois admis que sa position n'était pas nécessairement partagée par la direction d'Unifor, qui a déjà exprimé sa préoccupation au sujet de l'exploitation de biréacteurs à l'aéroport Billy Bishop.

«J'ai été clair, il s'agit d'un combat pour s'assurer qu'un exploitant canadien puisse faire l'acquisition d'appareils canadiens», a-t-il déclaré.

Un grand nombre d'opposants ont également profité de l'occasion pour faire valoir leurs arguments. Certains, notamment les personnes résidant à proximité de l'aéroport, se sont montrés émotifs.

«Selon la température, les émanations de carburant pénètrent à l'intérieur des résidences, a affirmé Rick Persich. Avec les biréacteurs, nous ne pourrons plus respirer, nous devrons partir.»

Le président du conseil de la commission scolaire de Toronto, Chris Bolton, a soutenu que la situation était déjà inacceptable pour une école située dans le voisinage de Billy Bishop, notamment en raison du trafic automobile généré par l'aéroport.

«Le statu quo est dangereux, a-t-il soutenu. Ça ne peut pas continuer.»

D'autres personnes ont rappelé qu'un nouveau train reliera le centre-ville de Toronto à l'aéroport Pearson à partir de l'été 2015, rendant l'aéroport Billy Bishop moins attrayant.

«À l'heure de pointe, ça prendre moins de temps de se rendre à Pearson qu'à Billy Bishop», a soutenu Sabrina Barusta.