L'État russe s'est mis à la manoeuvre mardi pour accélérer la renaissance de son aviation civile, à la peine, mettant à contribution ses bras financiers afin d'offrir des mécanismes de vente aux potentiels acheteurs.

Présent à l'ouverture du salon aéronautique MAKS en banlieue de Moscou, le premier ministre Dmitri Medvedev a reconnu que le secteur n'affichait pas des «résultats satisfaisants», malgré un chiffre d'affaires de 1000 milliards de roubles (30 milliards de dollars) et des investissements publics de 90 milliards de roubles (plus de 2,6 millards de dollars, soit 30 fois plus qu'au début des années 2000).

Le chef du gouvernement, après avoir vanté la nécessité de «coopération internationale» avec les géants mondiaux du secteur présents à l'aérodrome de Ramenskoïé, a jugé que le succès était impossible sans soutien de l'État.

Il a annoncé une vaste commande publique portant jusqu'en 2025 destinée à offrir de la visibilité aux industriels, dans un secteur qui demande des investissements massifs pour des retours lents.

«Il est important de garantir à nos avionneurs une demande constante et solide financièrement, pour les aider à atteindre le plus vite possible les volumes de production indispensables, aussi bien pour la rentabilité des projets en cours que pour créer les réserves pour la mise au point de nouveaux produits», a-t-il plaidé.

L'objectif affiché est de relancer les ventes de son avion régional Superjet 100, en service depuis 2011, et de donner corps au projet de moyen-courrier MS-21, qui doit venir concurrencer dans les années à venir les «best sellers» d'Airbus et Boeing, l'A320 et le 737.

Ses propos ont aussitôt été suivis d'effet, puisque les annonces de la journée totalisent 129 appareils (87 Superjet et 52 MS-21), qui représentent au total sept milliards de dollars à prix catalogue, a calculé l'agence officielle Itar-Tass.

Il ne s'agit pas de commandes d'appareils destinés aux services de l'État, mais de faire jouer les outils financiers au service de l'État, au premier lieu la banque de développement VEB mais aussi la première banque russe, Sberbank.

Ces établissements, via des filiales de location d'avions, vont acquérir les appareils pour les livrer ensuite aux compagnies sous la forme de contrat de leasing, de plus en plus fréquent pour les compagnies aériennes afin d'éviter de grosses dépenses.

Dmitri Medvedev a souligné que les acheteurs devaient pouvoir bénéficier de «produits financiers modernes» pour rendre la production russe attractive malgré le niveau élevé des taux d'intérêt en Russie.

Le sujet du financement est d'autant plus sensible que le Superjet vise particulièrement le marché des pays émergents, comme l'Asie ou l'Amérique latine, où les compagnies n'affichent pas toujours de solides garanties financières.

Affiché à son lancement comme le symbole de renaissance de l'aviation civile russe, en ruines depuis la chute de l'URSS, cet avion régional a subi plusieurs avaries techniques depuis son lancement en 2011, un crash en vol de démonstration et peine à trouver des clients conséquents au-delà de la compagnie russe Aeroflot et depuis peu de la Mexicaine Interjet.

Très endetté, en pleine montée de cadences de production, le constructeur de l'appareil, Soukhoï Aviation Civile, a récemment demandé l'aide de l'État.

VEB, qui selon la presse russe est en train de céder sa part de 5% dans EADS pour renflouer le programme, a mis sa filiale de location VEB Leasing en action. Elle va acheter six appareils dans leur version allongée, qui seront exploités par la compagnie russe Utair et s'engage sur 30 MS-21.

Le loueur Iliouchine Finance (IFC), dont VEB détient 21%, a confirmé sa commande de 20 Superjet et l'achat de 22 MS-21.

Sberbank Leasing va de son côté créer une société commune avec Soukhoï Aviation Civile, le fabricant du Superjet pour faciliter ses ventes. Le chiffre de 50 appareils a été déjà avancé.

Plus symbolique: la société en charge des exportations d'armes Rosoboronexport commande une version «affaires» du Superjet, qui doit être présentée lors du MAKS.