Le tunnel est particulièrement long et obscur, mais tout au fond, la lumière recommence à briller pour les trains de marchandises.

«Tous les signes indiquent que le trafic ferroviaire de marchandises a touché le fond pendant l'été, puis a commencé à se redresser, indique le président-directeur général de l'Association des chemins de fer du Canada, Cliff Mackay. Il faudra peut-être un ou deux ans avant que l'activité puisse revenir aux niveaux de pointe du milieu des années 2000.»

Il note qu'une légère hausse des activités à la fin de 2009 a permis de sortir d'entreposage un certain nombre de locomotives et de wagons, «un signe d'amélioration».

L'ensemble de l'année 2009 a été difficile pour les sociétés nord-américaines de chemin de fer: selon Rick Paterson, de la firme UBS, les volumes ont plongé de 15% par rapport à l'année précédente. Il s'agissait de la troisième plus forte chute depuis la Grande Dépression.

Au Canada, le recul des ressources naturelles, qu'il s'agisse du charbon de l'Alberta ou de la potasse de la Saskatchewan, a eu des impacts négatifs sur le Canadien National et le Canadien Pacifique. Dans l'est du pays, c'est notamment la morosité du trafic par conteneurs qui a fait mal.

Toutefois, les sociétés nord-américaines de chemin de fer ont réussi à limiter les dégâts en ce qui concerne les bénéfices parce qu'elles ne se sont pas livrées à une guerre de prix et qu'elles ont bien contrôlé les coûts.

«Grâce notamment à des prix encore plus favorables et à une exploitation efficace, il devrait y avoir une bonne remontée des bénéfices cette année, affirme M. Paterson. Il n'y a que deux éléments qui nous préoccupent à ce point-ci: une baisse des livraisons de charbon au premier semestre aux États-Unis, et le fait qu'au niveau actuel, les titres de ces sociétés reflètent probablement déjà une partie des bonnes nouvelles à venir.»

Il note que les difficultés temporaires liées au charbon aux États-Unis devraient avoir un impact moindre sur les sociétés canadiennes, le CN et le CP.

Selon une compilation établie par Bloomberg, 14 analystes recommandent l'achat du titre du CN et 8 conseillent de le conserver. Aucun ne recommande de vendre. Les analystes sont un peu moins optimistes du côté du CP: 9 recommandent l'achat du titre, 11 suggèrent de le conserver et 3 conseillent de le vendre.

Benoît Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, rappelle notamment que les deux sociétés doivent faire face à des prix élevés du carburant et à un taux de change défavorable. Plusieurs contrats sont établis en dollars américains: lorsque cette devise pique du nez, les bénéfices font de même. Selon M. Poirier, le bénéfice par action du CN perd 2 cents et celui du CP perd 1,2 cent chaque fois que le dollar canadien gagne un cent vis-à-vis la devise américaine.

Jacques Côté, membre d'administration de Transport 2000 Québec, croit en l'avenir du transport ferroviaire de marchandises. Transport 2000 est une association de promotion des transports en commun, mais M. Côté s'intéresse également au transport de marchandises: il a dirigé pendant cinq ans le Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson, une filiale que le CP avait créée à la fin des années 90 pour essayer de rentabiliser les liaisons de l'est du Canada.

«Les difficultés des sociétés de chemin de fer en 2009 ne sont pas dues à un problème de compétitivité, mais à un problème de marché international, affirme M. Côté. Ça va se replacer.»

Selon lui, le transport ferroviaire de marchandises continuera à faire des gains dans les années à venir.

«Pour le transport de longue distance, le chemin de fer est plus compétitif et plus écologique que le camion, rappelle-t-il. Or, ce qu'on qualifie de «longue distance» devient de plus en plus court.»

Il explique qu'à l'époque, on disait qu'en dessous de 2400 km, le camionnage était plus compétitif que le transport ferroviaire. Mais avec le prix du carburant et la question environnementale, ce seuil est passé à 1600 km.

Selon lui, le ferroviaire peut également jouer un rôle sur de plus courtes distances.

«Avez-vous vu le nombre de camions sur l'autoroute entre Montréal et Toronto, et entre Toronto et Windsor? demande-t-il. Il va falloir augmenter le nombre de voies. On pourrait être plus efficace.»

Un des problèmes réside dans le fait que les routes et autoroutes sont entretenues avec les fonds publics, alors que les sociétés de chemin de fer sont entièrement responsables de l'entretien des voies ferrées.

«Il y a un déséquilibre entre les deux, affirme M. Côté. Il va falloir que les gouvernements s'assoient et recherchent de meilleures solutions.»

 

Le secteur ferroviaire en chiffres

72,3 millions

Nombre de voyageurs canadiens qui ont utilisé le train en 2008

900 millions

Somme versée par le gouvernement fédéral à Via Rail pour la réfection de son matériel roulant, la construction de gares et l'ajout de voies ferrées

-15%

Baisse évaluée du transport de marchandises par train en Amérique du Nord en 2009

775

Chaque jour, les 53 chemins de fer du Canada font circuler en moyenne 775 trains au pays, ainsi que 100 trains qui franchissent la frontière entre le Canada et les États-Unis.