La situation d'affaires d'Air Canada (t.ac.a) demeure précaire malgré l'accord de ses syndicats au gel pour 21 mois des conditions de travail et du renflouement des caisses de retraite, avertissent des analystes.

Après un premier rejet, il y a deux semaines, l'important syndicat des Machinistes, qui regroupe 12 300 employés de soutien technique et administratif, a entériné à 60,3% la proposition patronale.

 

Ce résultat annoncé hier s'ajoutait aux votes légèrement positifs obtenus le week-end dernier parmi les pilotes et les employés commerciaux.

Les prochains en lice sont les employés non syndiqués et les retraités. Ils ont jusqu'à demain soir pour consentir, tel qu'attendu, au gel des régimes de retraite comme le requiert la réglementation fédérale.

Mais pour la suite, alors que la récession charcute ses revenus, la société aérienne Air Canada doit boucler un financement d'au moins 600 millions de dollars d'ici peu afin d'éviter une crise de liquidités et poursuivre sa restructuration.

«La survie d'Air Canada à moyen terme n'est pas encore assurée», a commenté Jacques Kavafian, analyste d'expérience en transport aérien chez Research Capital, à Toronto.

«Elle doit passer à travers plusieurs étapes de redressement alors que son industrie est en crise», ajoute l'expert.

Selon David Tyerman, analyste chez Genuity Capital, aussi à Toronto, l'accord syndical obtenu par Air Canada pourrait lui permettre d'éviter un autre épisode de protection judiciaire de faillite, le deuxième en quelques années.

Et encore, estime M. Tyerman, le financement anticipé d'au moins 600 millions, dont le tiers provenant de la société d'État fédérale Exportation et Développement Canada (EDC), pourrait s'avérer insuffisant.

Les autres financiers présumés sont la Banque CIBC et une filiale du groupe GE, déjà un important fournisseur de moteurs et de financement aux transporteurs aériens.

«Air Canada a besoin de plus de fonds que ce que prévoient ses nouveaux accords avec ses syndicats, peut-être jusqu'à 1 milliard. Mais dans le contexte économique et financier actuel, j'ignore comment Air Canada parviendra à obtenir de tels fonds», a commenté l'analyste David Tyerman à l'agence financière Reuters.

Mais dans l'immédiat, le vote positif des syndicats d'Air Canada a semblé réconforter les investisseurs boursiers.

Après l'annonce du vote positif des Machinistes, hier, les actions d'Air Canada (catégorie B) ont bondi de 15%, jusqu'à 1,52$, à la Bourse de Toronto. C'est leur cote de fermeture la plus élevée depuis un mois, mais encore au tiers seulement du niveau d'il y a un an.

À la haute direction d'Air Canada, on a commenté la conclusion positive des votes syndicaux avec un optimisme réservé.

«C'est une étape importante en vue d'assurer la stabilité dont a besoin l'entreprise pour affronter les difficultés actuelles. Mais les obstacles à surmonter sont nombreux. Une restructuration complète d'Air Canada sera nécessaire pour renouer avec la rentabilité», a indiqué le président et chef de la direction, Colin Rovinescu.

Parmi les analystes, on s'attend à d'autres trimestres de résultats financiers précaires chez Air Canada (voir graphique en une).

Pour tout l'exercice 2009, ils anticipent une perte nette proche des 400 millions, qui s'ajouterait à l'énorme perte de 1 milliard de l'an dernier.

En contexte, cependant, la précarité financière d'Air Canada n'est pas unique parmi la plupart des transporteurs aériens, qui affrontent l'une des pires récessions de leur histoire.

Aux États-Unis, le transporteur American Airlines (AA), deuxième au monde, a confirmé hier une autre perte de 390 millions US au deuxième trimestre.

C'est moins mauvais qu'à pareille date l'an dernier, à la suite d'importantes compressions d'emplois et d'horaires de vols. Toutefois, AA demeure aux prises avec une chute de 21% de son chiffre d'affaires sur une base annualisée.

En Grande-Bretagne, le président de British Airways, Martin Broughton, a indiqué au cours de l'assemblée des actionnaires que le transporteur devra solliciter des fonds pour renflouer ses liquidités. Peut-être jusqu'à l'équivalent de 900 millions US, selon des analystes londoniens cités par le Financial Times.

Ailleurs en Europe, des transporteurs importants comme Air France-KLM et Lufthansa ont dû émettre récemment pour 2 milliards US en titres de dette à taux d'intérêt supérieurs.