Carole Morinville, conseillère financière proche du milieu artistique québécois, vient de perdre son droit de pratique. Son ordre professionnel l'accuse d'avoir commis une fraude de 227 000$.

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À la suite de plaintes de quatre investisseurs, elle a été radiée provisoirement de la Chambre de la sécurité financière le 13 juillet dernier, avant même l'audience qui doit avoir lieu à l'automne, une sanction réservée aux cas les plus graves. La conseillère financière, qui a déjà été poursuivie par le comédien Denis Bouchard, en est à sa troisième cause disciplinaire en sept ans.

Selon le syndic de la Chambre, Carole Morinville se serait illégalement approprié 227 000$ provenant de deux clientes. Son ordre professionnel l'accuse aussi de s'être placée en conflit d'intérêts dans des placements totalisant 200 000$ pour le compte de deux autres clients. Un interdit de publication nous empêche de nommer les plaignants.

Antécédents

Ce n'est pas la première fois que Carole Morinville, dont la clientèle comprend plusieurs artistes québécois, a des démêlés avec son ordre professionnel.

En décembre dernier, elle avait plaidé coupable sous cinq chefs d'accusation relativement à une plainte du comédien Denis Bouchard, bien connu pour ses rôles à la télévision dans Annie et ses hommes et Lance et compte. Pour avoir mal exécuté son mandat, Carole Morinville a été suspendue durant un mois et a payé des amendes totalisant 27 075$.

Par le truchement de son entreprise Les Productions Tragicomix, Denis Bouchard a poursuivi au civil son ancienne conseillère financière. Il lui réclamait 170 779,94$ parce qu'elle lui avait vendu, en 2003, un produit d'assurance qui n'était pas adapté à ses besoins. Le litige a été réglé à l'amiable en octobre dernier. Les modalités de l'entente n'ont pas été dévoilées.

Dans son témoignage, Denis Bouchard, qui a joué au cinéma notamment dans Histoires d'hiver et a mis en scène plusieurs spectacles et pièces de théâtre, a révélé avoir perdu confiance en Carole Morinville quand il s'est aperçu qu'elle ne lui avait pas donné l'heure juste sur ses placements. Aucune allégation de fraude ou d'appropriation de fonds n'avait été soulevée dans le dossier de Denis Bouchard, qui n'était pas joignable hier, car il est à l'extérieur du pays. L'agente de M. Bouchard, Camille Goodwin, n'a pas voulu faire de commentaires.

Radiation

La Chambre de la sécurité financière avait réprimandé Carole Morinville pour la première fois en 2003. Accusée sous 24 chefs, elle avait plaidé coupable et payé des amendes totalisant 22 000$. Elle avait aussi été radiée par la Commission des valeurs mobilières du Québec en 1996.

La radiation qui vient d'être prononcée contre elle avant même son audience est une mesure exceptionnelle: la Chambre permet normalement à la personne mise en cause dans un dossier disciplinaire de continuer à pratiquer durant le processus. Dans le cas de Carole Morinville, le comité de discipline a estimé que la preuve «laisse entrevoir (...) une absence d'hésitation à recourir à la tromperie et aux mensonges lorsque nécessaire à ses fins».

Le comité de discipline a aussi justifié sa décision par le fait que les fautes touchent «au coeur de la profession», que Mme Morinville a entravé le travail de l'enquêteur du syndic et que les gestes qui lui sont reprochés auraient continué jusqu'à tout récemment, en avril dernier.

Pas d'accusation

La Chambre de la sécurité financière, qui a décliné hier les demandes d'entrevue de La Presse, continue son enquête et n'exclut pas la possibilité de porter d'autres accusations.

Aucune accusation criminelle ou pénale n'a été portée contre Carole Morinville relativement à la présente affaire.

Avant d'être radiée provisoirement de la Chambre de la sécurité financière, Carole Morinville faisait affaire sous les raisons sociales «Agence Carole Morinville» et «Carole Morinville Associés». Son site web ne fonctionne plus. Elle n'a pas rappelé La Presse hier, pas plus que son avocat, Lorne Marchand.