Les présumés liens d'un cadre de GE Capital avec le crime organisé ont un effet domino sur une série de transactions au Canada. L'affaire frappe également la firme d'avocats Marchand Melançon Forget, a appris La Presse Affaires.

Le 11 septembre, GE Capital a suspendu son vice-président, gestion des risques et restructuration, Carlo Fargnoli. GE Capital ne donne pas les raisons exactes de cette suspension, mais un document en Cour supérieure évoque une enquête interne de GE pour vérifier des liens possibles avec le monde interlope.

 

GE Capital est une multinationale du financement d'entreprises. Au Canada, elle compte une vingtaine de bureaux et quelque 600 employés. Son siège social canadien est à Montréal et son nom légal est Financement d'équipement GE Canada.

Carlo Fargnoli travaillait depuis 2003 chez GE Capital, à Montréal. Il a été suspendu avec solde en attendant la conclusion de l'enquête, est-il indiqué dans une requête en Cour. Selon nos renseignements, une vingtaine des dossiers de Carlo Fargnoli sont passés au peigne fin, ce qui met sur la touche autant d'entreprises en attente de prêts de plusieurs millions de dollars.

Poursuite de 4,7 millions contre GE

En réplique à sa suspension, Carlo Fargnoli a intenté une poursuite de 4,7 millions de dollars contre GE Capital pour atteinte à la réputation. La requête a été déposée le 10 novembre en Cour supérieure, à Montréal.

Selon la poursuite, M. Fargnoli a été rencontré par son supérieur immédiat le 10 septembre pour lui parler de son implication dans diverses transactions. «Les préoccupations tournent autour de la participation alléguée du demandeur (Carlo Fargnoli) dans des activités liées au monde interlope et aux criminels en cravate», est-il écrit dans sa requête.

Le même jour, Carlo Fargnoli a tenté d'avoir de plus amples explications de la part de l'avocate de l'entreprise, Josée Gravel, mais cette dernière a refusé toute discussion, sommant M. Fargnoli de quitter son bureau sur-le-champ. Le lendemain, Carlo Fargnoli a officiellement été suspendu avec solde.

Avocats Marchand Melançon Forget

L'affaire a des répercussions sur le cabinet d'avocats Marchand Melançon Forget (MMF). Dans la foulée de la suspension de Carlo Fargnoli, GE Capital lui a retiré pratiquement tous ses mandats, nous a confirmé Me Serge Boucher, l'un des avocats membre du comité exécutif de Marchand Melançon Forget.

Qui plus est, l'avocat du cabinet au dossier, Francis Meagher, a quitté le bureau à la fin septembre pour une période indéterminée. Serge Boucher nous assure toutefois que Francis Meagher n'est pas suspendu du cabinet, mais qu'il est «vraiment en congé de maladie, aucun doute. Il est rémunéré par les assurances du bureau depuis le 23 octobre.»

GE Capital apportait un bon volume d'affaires à la firme, nous confirme Me Boucher. Aucune enquête interne ne serait en cours chez Marchand Melançon Forget à ce sujet, dit-il.

«Notre relation d'affaires était avec un cadre de GE et donc la relation a été rompue. On leur a donné des copies des dossiers et on collabore à leur enquête», a dit Me Boucher.

Selon l'avocat, cette affaire ne compromettrait pas la fusion entre Marchand Melançon Forget (41 avocats) et Lapointe Rosenstein (43 membres). La fusion suit son cours et sera en vigueur en début d'année.

Dans sa requête, Carlo Fargnoli dit avoir une feuille de route enviable tant chez GE qu'auprès des précédentes institutions financières pour lesquelles il a travaillé. Le financier dit avoir rapporté à GE «d'énormes profits» en se conformant aux règles de l'entreprise. Depuis 2004, GE aurait d'ailleurs récompensé M. Fargnoli pour sa contribution, selon la requête.

Carlo Fargnoli a tenté de s'entendre avec GE avant la poursuite, selon les échanges de courriels dont nous avons obtenu une copie. Mais GE lui a opposé une fin de non-recevoir tant que l'enquête ne serait pas terminée.

Dans les échanges, l'avocat de Carlo Fargnoli, Jacques Jeansonne, parle «d'enquête juricomptable complexe déclenchée de façon intempestive». De plus, il se plaint auprès de GE «d'autres allégations par Me Gravel, diffusées à l'interne, de la commission par notre client d'actes de menaces et autres comportements criminels».

Joint au téléphone, le vice-président des ressources humaines de GE Capital Canada, René Jolicoeur, nous indique que l'enquête est menée par la société mère américaine de GE Capital, au Connecticut.

S'agit-il d'une enquête sur des liens avec le monde interlope? «C'est en plein le sujet de l'enquête. C'est complexe, mais on ne peut rien dire tant que ce n'est pas terminé», a-t-il dit.

En attendant, une vingtaine de dossiers de financement ont été paralysés au Canada, nous dit-on. Parmi eux, une entreprise d'excavation et de déneigement de Montréal a récemment déclaré faillite, laissant un passif de 17 millions envers GE Capital. Et une autre firme de Montréal est dans une situation délicate.

Nous avons joint au téléphone Carlo Fargnoli, mais il n'a pas voulu faire de commentaires. Quant à son avocat, Jacques Jeansonne, il n'avait pas rappelé au moment de mettre sous presse.