La bisbille entre le ministre fédéral des Finances et les banques à propos de la vente d'assurances sur leurs sites internet résonne de façon particulière dans le milieu québécois de l'assurance.

Avec plus d'acuité, en fait. Parce que les courtiers d'assurances québécois, à la différence de leurs homologues hors Québec, disent subir déjà avec Desjardins la concurrence directe d'un géant des services financiers aux particuliers. Desjardins est régie par une loi québécoise.

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À Ottawa, les négociations de coulisses se poursuivent à propos de l'intention d'interdit signifiée récemment par le ministre Jim Flaherty aux banques, et que ces dernières ont décrié publiquement comme une concession au «lobby» des courtiers d'assurances.

D'ailleurs, malgré des années d'efforts en marge de la loi fédérale, qui interdit encore la vente d'assurances en succursales bancaires, les banques n'accaparent encore que 6% du marché de l'assurance de personnes au Canada. Et environ 10% pour les assurances de dommages, responsabilité et automobile. Des assurances vendues surtout grâce à l'internet.

Bref, selon les banques, les courtiers d'assurances auraient tort de réclamer un bannissement de l'assurance de leurs sites internet. Aussi, pas plus tard qu'en juin dernier, le Bureau fédéral des institutions financières avait édicté que les sites internet de banques étaient différents de leurs succursales.

Par conséquent, selon les banques, leurs sites internet seraient exclus de l'interdit de vente d'assurances en succursales déjà prévu par la loi.

Et à voir l'influence croissante de la vente d'assurances sur leurs résultats financiers, les banques ont de bonnes raisons de s'opposer à l'interdit évoqué par le ministre Flaherty.

À la Banque Royale, par exemple, les assurances pèsent environ 15% du bénéfice net jusqu'à présent cette année, contre 9% l'an dernier.

À la Banque Toronto-Dominion (TD), qui a acquis plusieurs filiales d'assurances au fil des ans, ce marché compte pour le tiers du bénéfice net cette année, comparativement à 24% l'an dernier.

Et au Québec?

Entre temps, au Québec, ce débat entre Ottawa et les banques prend une tournure bien différente du point de vue des courtiers.

À la différence de leurs homologues hors Québec, qui commencent à peine à sentir la concurrence des banques, les courtiers d'assurances au Québec subissent depuis des années la forte croissance de Desjardins en assurances vendues directement en caisses populaires et par l'internet.

Cet atout du géant coopératif par rapport à ses concurrents bancaires au Québec découle d'un amendement fait il y a presque dix ans à la loi québécoise qui régit Desjardins, plutôt que d'une loi fédérale dans le cas des banques. Résultat: Desjardins a pu profiter de son vaste réseau de points de service financiers pour se hisser au premier rang des fournisseurs en assurances au Québec, tous marchés confondus.

«Desjardins profite d'une situation particulière au Québec, qui explique en bonne partie pourquoi la part des courtiers du marché de l'assurance IARD des particuliers (dommages, autos, responsabilité) est passée sous 50%. Et c'est pourquoi nous tenons tant à que les banques demeurent restreintes en assurances, en succursales et sur leurs sites internet», explique Johanne Lamarque, directrice du Regroupement des cabinets de courtage d'assurances du Québec.

En comparaison, dans le reste du Canada, les courtiers accaparent encore au moins 80% de l'assurance de dommages pour les particuliers, selon la firme MSA Research de Toronto.

Selon le plus récent relevé de l'AMF, Desjardins accapare 18% du seul marché québécois de l'assurance de personnes.

En assurance IARD (dommages, responsabilité, auto), la part de marché de Desjardins frôle les 13%, tout juste derrière la société Intact/Bélair, qui a 14%. Ce premier rang d'Intact tient surtout à sa forte présence dans le marché de l'assurance des entreprises.