Le comité de politique monétaire de la Réserve fédérale (FOMC) amorce ce matin une réunion de deux jours, alors que se multiplient les signes de reprise de l'économie américaine, déjà menacée par une nouvelle crise hypothécaire, concentrée cette fois dans l'immobilier commercial.

Tout le monde s'attend à ce que le FOMC reconduise son taux directeur, exceptionnellement faible, «pour une durée étendue». Il oscille dans une fourchette de 0% à 0,25%, un creux historique depuis le printemps, dans le but de relancer les activités de prêts, compromises depuis la faillite de Lehman Brothers, il y aura bientôt 11 mois.

 

Il serait étonnant aussi que les autorités monétaires américaines fassent marcher la planche à billets, car la menace d'une baisse générale des prix, ou déflation, paraît dissipée.

Depuis leur dernière rencontre du 24 juin, les membres du FOMC ont été alimentés par beaucoup de données leur permettant de croire que le pire de la récession est traversé.

Mentionnons seulement la décroissance au deuxième trimestre, limitée à 1% en rythme annualisé (alourdi de surcroît par le déstockage), le ralentissement de la cadence des licenciements en juillet, la stabilisation apparente du marché de l'habitation et la forte augmentation des nouvelles commandes des acheteurs de biens.

«Il y a de bonnes chances que l'économie américaine puisse renouer avec la croissance au troisième trimestre pour la première fois depuis le deuxième trimestre de 2008», soutient Milan Mulraine, stratège à TD Valeurs mobilières.

Il reste que la récession a frappé très durement les travailleurs américains. Plus de 6,7 millions d'entre eux ont grossi les rangs des chômeurs, depuis son début en décembre 2007, selon les données du département du Travail. Il serait étonnant que la Fed ose augmenter son taux directeur avant une certaine amélioration du marché du travail, laquelle va exiger encore des mois.

La reprise de la production a jusqu'ici résulté en gains de productivité. Beaucoup de capacité industrielle est encore sous-utilisée, comme c'est le cas au sortir de chaque récession.

Ce qui diffère peut-être cette fois-ci, c'est la brutalité avec laquelle les entreprises ont licencié. Alors que le recul de la production de biens a été de 9%, celui de l'emploi dans cette sphère d'activités a atteint 15%, fait remarquer Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale. «La dynamique récente de la productivité, de nature strictement cyclique causée par des licenciements démesurés nous laisse croire que la réaction du marché du travail face à une hausse de la production devrait être plus rapide cette fois-ci», écrit-il dans la dernière livraison de L'Hebdo économique intitulée: États-Unis: place à la reprise.

Il n'est pas seul à penser de la sorte.

Selon le Nobel d'économie Paul Krugman, interviewé hier à Kuala Lumpur par l'agence Bloomberg, «il est fort possible, bien que ce ne soit pas une certitude, que, rétrospectivement, nous disions que la récession a pris fin en juillet ou en août, peut-être en septembre. Je pense que nous touchons le fond, qu'août marquera le creux.»

Voilà pourquoi Laura Tyson, conseillère économique du président Barack Obama, aussi à la conférence dans la capitale de Malaisie, a déclaré qu'un deuxième plan de stimuli économique ne sera sans doute pas nécessaire puisque le premier commence à porter ses fruits.

Il n'en demeure pas moins que la récession aura fait mal aux locateurs d'immeubles à bureaux et de locaux commerciaux. Ils doivent refinancer cette année pour 165 milliards de prêts hypothécaires alors que la valeur de leurs propriétés a fondu du tiers environ depuis deux ans, selon Moody's Investors Service.

Voilà de quoi compromettre une reprise fragile, car les prêteurs sont surtout des banques régionales qui pourraient faire faillite ou resserrer leurs conditions de prêts aux ménages et aux entreprises.

Dans son témoignage devant le Congrès le mois dernier, le président de la Fed, Ben S. Bernanke, s'est dit très préoccupé par cette question.

Certains observateurs croient que les autorités monétaires iront même jusqu'à faciliter le crédit dans le marché de l'immobilier non résidentiel, comme elles le font par exemple pour les cartes de crédit ou les prêts étudiants.

La Fed n'a toutefois pas besoin de l'annoncer en même temps que la reconduction de son taux directeur.