Québec a le pouvoir de faire bloquer les sites de jeux en ligne illégaux par les fournisseurs d'accès internet même si ceux-ci relèvent du fédéral, a soutenu hier le ministre provincial des Finances, Carlos Leitao.

«Je n'anticipe pas de conflit juridictionnel avec Ottawa, a répondu le ministre à une question de La Presse Affaires au cours du point de presse qui a suivi son allocution devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain. Mais c'est clair que les télécommunications, ce n'est pas de juridiction provinciale. On va consulter nos partenaires fédéraux. Nous avons la juridiction pour agir et on va aller de l'avant.»

Comme c'est la coutume, le ministre des Finances est venu présenter son budget à la communauté des affaires de Montréal.

Malgré une forte présence policière, des manifestants contre l'austérité scandant des «Stop Couillard» ont réussi à faire retarder le début du discours d'une trentaine de minutes. Trois d'entre eux, qui avaient réussi à entrer dans la salle de conférence de l'hôtel Bonaventure, ont interrompu le ministre au début de son allocution.

«Je ne pense pas qu'il y a de grands enjeux là-dessus, a dit le ministre au sujet de la question juridictionnelle. Il y a des choses que nous pouvons faire de notre côté parce que nous allons aborder cette question d'un point de vue de santé publique, d'un point de vue de contrôle de jeu, ce qui est dans notre juridiction.»

Les joueurs pathologiques probables représentent 0,4% de la population adulte, une prévalence plus faible que dans les autres provinces canadiennes. «Sur les sites de jeu en ligne, en moyenne, les adultes québécois jouent peu souvent, peu longtemps et dépensent peu», constate le groupe de travail dans son rapport.

La plateforme légale Espacejeux

Pour lutter contre le jeu illégal en ligne qui prive l'État d'importants revenus, Québec a annoncé dans le budget sa volonté de canaliser le jeu privé en ligne sur la plateforme légale Espacejeux de Loto-Québec et de faire bloquer les sites illégaux par les fournisseurs d'accès internet comme Vidéotron.

«Nous en sommes encore à analyser cette mesure qui pourrait soulever des questions de compétence juridictionnelle», a commenté Vidéotron dans un courriel envoyé à La Presse Affraires vendredi dernier.

Le lendemain du budget, un professeur de droit de l'Université d'Ottawa, Michael Geist, a écrit sur son blogue que le gouvernement québécois courait le risque de se faire poursuivre pour des motifs de liberté d'expression ou juridictionnels.

«Il s'agit d'une idée remarquable et possiblement illégale de la part du gouvernement de censurer internet dans le but d'en tirer un gain commercial», est-il écrit.

D'après le professeur Geist, la décision prête le flanc à de possibles contestations judiciaires, tant sur le plan de la liberté d'expression que sur le plan constitutionnel.

«Ce que nous voulons, a expliqué le ministre, c'est que tout le monde joue selon les mêmes règles. Loto-Québec a des règles strictes pour éviter le jeu compulsif, les autres sites qui n'ont pas de licences ne suivent pas les mêmes règles. Il y a un enjeu de concurrence déloyale.»

Le jeu en ligne représentait des revenus de 250 millions de dollars en 2012. Boudée par la majorité des internautes, Loto-Québec contrôle seulement 10% du marché, quand on exclut le secteur des loteries, un produit que la société est pratiquement seule à offrir sur l'internet. Loto-Québec espère augmenter son dividende de 13,5 millions en 2016-2017 grâce aux mesures proposées, puis à 27 millions annuellement par la suite.