Le retour à l'équilibre budgétaire est considéré par plusieurs comme une absolue nécessité devant la précarité des finances publiques et le poids de la dette. D'autres y voient avant tout la soumission au diktat des agences de notation de crédit dont la crédibilité a été rudement écornée par la récente crise financière.

En fait, il reflète surtout la grande préoccupation des partis politiques du Québec pour se donner les moyens de gouverner à court et à moyen terme.

On ne sera donc pas surpris que le ministre des Finances Carlos Leitao annonce plusieurs mesures à caractère budgétaire lorsqu'il présentera la synthèse semestrielle des opérations financières, vraisemblablement le 2 décembre.

À moins qu'il ne reprenne la formule de son prédécesseur Nicolas Marceau. L'ex-ministre péquiste des Finances avait choisi de présenter le budget de 2013-2014 en novembre 2012. Ce faisant, il s'assurait que certaines réformes, comme celle de la taxe santé et l'ajout d'un taux d'imposition, soient en vigueur dès le 1er janvier suivant.

Plusieurs des recommandations de la Commission sur la fiscalité présidée par Luc Godbout doivent être adoptées par l'Assemblée nationale avant leur mise en place. La Presse faisait ainsi état jeudi de la fin prochaine du tarif unique en garderie et son remplacement par une mesure qui touche à l'impôt sur le revenu des particuliers.

Plus nombreuses seront les annonces semblables, plus le minibudget automnal aura les allures d'un vrai budget, à l'image de celui qu'avait présenté Pauline Marois dans la foulée du 11 septembre 2001.

Les turbulences budgétaires actuelles découlent davantage de la croissance économique léthargique que de la perte de contrôle des dépenses, comme ce fut le cas au cours du dernier quart du XXe siècle.

L'augmentation du produit intérieur brut (PIB) réel sera de 1,8% sans doute cette année. À la différence du Canada dans son ensemble, elle repose toutefois surtout sur les exportations plutôt que la demande intérieure, comme le faisaient ressortir jeudi les prévisions provinciales de RBC. Cela signifie moins de recettes venant des taxes à la consommation.

C'est d'ailleurs ce qui avait amené M. Marceau à retarder de deux ans le retour à l'équilibre prévu pour l'an dernier dans son unique budget présenté en novembre 2012. Un an après, dans la synthèse automnale de 2013, il s'alignait plutôt sur un déficit de 2,5 milliards de dollars pour 2013-2014. L'exercice s'est finalement soldé par un déficit de 3,1 milliards, soit l'équivalent de 0,9% de la taille de l'économie du Québec (le PIB nominal).

Toutes proportions gardées, c'est bien peu par rapport, par exemple, au budget des États-Unis (2,9% du PIB nominal cette année) ou de la France (4,4%).

C'est toutefois trop en dehors des périodes de récession, selon les standards désormais convenus au Québec.

Durant les exercices 2009-2010 et 2010-2011, qui correspondent à la récession et à la phase initiale de la reprise, les déficits ont tout juste été plus grands que celui de 2013-2014. Ils étaient tous deux l'équivalent de 1% du PIB nominal. Celui des États-Unis durant les deux mêmes années a frôlé les 10% du PIB nominal.

Jamais le Québec ne voudra plonger dans de pareils abysses.

Dans les années noires de la récession de 1981-1982, le déficit a représenté jusqu'à 4,8% du PIB nominal.

Hormis son premier en 1977-1978, tous les exercices pendant lesquels Jacques Parizeau a agi comme grand argentier du Québec se sont soldés par des déficits supérieurs à 2% du PIB. À l'époque, la chose était perçue comme moins grave, puisque la dette était moins lourde.

En chiffres absolus, le triste record du plus gros déficit revient à André Bourbeau, ministre dans l'éphémère gouvernement de Daniel Johnson. Son unique budget présenté en 1994-1995 prévoyait un déficit de 4,4 milliards. Il aura finalement été de 5,82 milliards.

L'erreur de prévision correspond à 0,83% du PIB. C'est la plus importante à ce jour, si on considère que M. Marceau a révisé ses chiffres en cours d'exercice. M. Bourbeau n'a pas eu cette chance puisque Daniel Johnson a été défait par les troupes de M. Parizeau à l'automne 1994.

M. Leitao s'est déjà donné un coussin. En juin, il a poussé le déficit de l'année en cours prévu par M. Marceau de 1,75 milliard à 2,35 milliards.

À ce jour, les rentrées fiscales indiquent qu'il faudra la main de fer du président du Conseil du Trésor Martin Coiteux pour que cette marge déficitaire de 600 millions ne soit pas dépassée.