La reprise économique est plus lente que prévu, convient le premier ministre Philippe Couillard. Aussi son gouvernement songe-t-il à abolir dès cet automne de nouvelles déductions fiscales pour favoriser le retour à l'équilibre, mais la décision n'est toutefois pas arrêtée.

À la fin d'un caucus de deux jours sur les enjeux de la rentrée parlementaire, Philippe Couillard a paru reprendre son ministre des Finances, Carlos Leitao, pour qui l'annonce de mesures fiscales à l'occasion de la prochaine synthèse des opérations financières, en novembre, paraissait bien plus probable.

Selon Philippe Couillard, la croissance économique reste bien lente, mais pour l'heure, rien n'indique que les revenus prévus ne seront pas au rendez-vous. Les cibles de réductions de dépenses sont aussi maintenues, observe-t-il. Québec «reste très confiant d'atteindre ses cibles de recettes et de dépenses».

«La reprise économique en Amérique du Nord est plus lente qu'on ne le souhaiterait. Pas question d'être jovialiste. La création d'emplois à temps plein prend du temps à se manifester», observe le premier ministre, que les dernières statistiques d'emploi laissent sur sa faim. Le Québec a perdu 2000 emplois à temps plein, mais se retrouve avec 5000 emplois à temps partiel de plus.

Québec devra-t-il faire des gestes pour augmenter ses recettes? Il l'a déjà fait dans le dernier budget; une coupe générale de 20% des déductions fiscales a été imposée aux entreprises, qui ont protesté. «Dans les dernières décennies, on a distribué l'aide aux entreprises en saupoudrant de l'argent largement, même à des sociétés qui n'avaient rien demandé. Nos compétiteurs avaient une approche plus ciblée.» Pas question de crier au «corporate welfare», mais «si cela fonctionnait, on le saurait».

Cela n'a pas apporté de résultats!» a résumé le chef libéral.

Mise à jour économique

En matinée, le ministre Leitao avait dépeint comme «probable» l'annonce de nouvelles mesures fiscales. Son patron était plus circonspect. «Je n'ai jamais parlé de mini-budget, il y aura une mise à jour économique et financière à la fin de l'automne. Si à ce moment des mesures de revue de programmes ou fiscales peuvent être mises en place immédiatement, on le fera. Nous n'attendrons pas le budget d'avril pour le faire. Des annonces de mesures fiscales en même temps, c'est possible, mais on ne peut le confirmer aujourd'hui», a laissé tomber M. Couillard.

Les contribuables n'ont pas à craindre de hausses d'impôts, «ils sont assez lourdement taxés et imposés. On a fait ce choix dès le début», a-t-il rappelé.

De nouvelles mesures budgétaires avant la fin de l'année? «C'est probable que oui, la mise à jour économique pourrait contenir certains changements fiscaux», avait soutenu plus tôt le ministre Leitao dans un point de presse improvisé. II a rappelé que le gouvernement faisait toujours le point sur les finances publiques en novembre, une synthèse des opérations financières du gouvernement qui dresse le portrait des équilibres à la moitié de l'année financière.

Mais selon lui, des mesures budgétaires pourraient être annoncées du même coup. Il s'agirait de mettre fin à des «dépenses fiscales», une annonce qui, faite dès novembre, pourrait s'appliquer dès le 1er janvier 2015.

Abolir des déductions n'équivaut pas à une hausse d'impôt, a-t-il dit, reconnaissant que «l'on pourrait avoir un débat de cinq heures là-dessus». «L'abolition de crédits d'impôt est-elle une hausse de taxe? Pour moi, c'est une réduction de dépenses!» a soutenu le ministre, visiblement plus à l'aise en anglais.

La commission sur la fiscalité, présidée par le fiscaliste Luc Godbout, de l'Université de Sherbrooke, a le mandat de cibler pour 650 millions de déductions fiscales à éliminer pour 2015. «Et si on veut que cela s'applique pour cette année, il faut les annoncer avant, pour le 1er janvier. On ne peut agir rétroactivement», a rappelé le ministre Leitao.

En outre, si on constatait un glissement cet automne du côté du revenu ou qu'on enregistrait un retard à appliquer les mesures de compressions des dépenses, des mesures s'avéreraient nécessaires. Mais pour l'instant, tout semble aligné sur les cibles, a souligné M. Leitao.

Il a rappelé que les cinq agences d'évaluation de crédit du Québec avaient confirmé cet été la qualité du crédit québécois et ajouté «une perspective stable», ce qui n'est pas le cas, par exemple, pour l'Ontario. «Mais elles s'attendent à ce qu'on atteigne nos objectifs», a conclu le ministre des Finances.