Le golf perd de sa popularité dans le monde, comme en témoignent les résultats décevants des multinationales de l'équipement de golf. Le Québec ne fait malheureusement pas exception.

«Nous avons une baisse de 20 % de l'achalandage par rapport à l'an dernier», dit Isabelle Plourde, directrice générale adjointe du Club de golf de l'île de Montréal. À cause de la température, la saison a commencé avec 10 jours de retard et le club n'est jamais parvenu à combler l'écart, malgré du temps plus clément en juillet. Elle compte sur la deuxième moitié de saison pour limiter les dégâts.

En 2013, il s'était joué plus de 63 000 rondes de golf au Club de l'île, qui compte deux parcours de 18 trous.

Chez les autres clubs contactés, les résultats varient, mais tous reconnaissent le contexte difficile. «Vous ne trouverez pas grand club de golf qui va vous dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes», répond Sylvain Beaudet, PDG de Groupe Beaudet, quand on lui demande son avis sur la saison. Groupe Beaudet gère six terrains de golf dans la région montréalaise.

Morosité mondiale

Adidas, qui possède la marque TaylorMade, a baissé jeudi ses prévisions de profits pour l'année financière 2014 à la suite de la sous-performance de ses produits de golf, en recul de près de 20 % au deuxième trimestre en rythme annuel.

Callaway Golf, inscrite en Bourse, a essuyé une baisse de 7 % de ses ventes trimestrielles. Quant à la division golf de Nike, elle n'affiche aucune croissance au deuxième trimestre de l'année ; c'est la moins performante de toutes ses divisions.

Certains montrent du doigt les performances en dents de scie de Tiger Woods pour expliquer les déboires du sport, mais le Wall Street Journal souligne plutôt la désaffection des «Millénaires», les 18 à 34 ans, dans un article paru le 24 juillet.

En quatre ans, de 2009 à 2013, le taux de participation au golf des jeunes adultes a chuté de 13% aux États-Unis. Les jeunes issus de la génération Y préfèrent s'adonner au jogging ou au yoga, en forte croissance. Le golf traîne un côté snobinard et élitiste qui rebute la génération montante, soutient un analyste de l'industrie du loisir, cité dans l'article du WSJ.

Les jeunes se font tout autant désirer sur les tertres de départ du Québec.

«Comme industrie, reconnaît d'emblée Sylvain Beaudet, on a négligé les jeunes dans les années 80 et 90, quand les clubs étaient pleins, et aujourd'hui, on en paie le prix.»

À cette époque bénie où les clubs avaient des listes d'attente pour recruter leurs membres, personne ne souhaitait vendre un billet à moitié prix à un jeune quand on pouvait le vendre sans effort à un adulte au plein prix.

«La grande majorité des clients ont 40 ans et plus. Il y a beaucoup de retraités, constate Daniel Bérard, propriétaire de la boutique Liquidagolf de Saint-Hyacinthe, ouverte depuis trois ans. Ses ventes se maintiennent au niveau de l'an dernier, soutient-il.

La faute à la commission Charbonneau

«Le golf reste le sport le plus populaire au Québec avec 1 million d'adeptes, aime à rappeler Sylvain Beaudet. Les revenus affichent une légère progression de 2 % en 2014 sur l'ensemble des six terrains dont il assure la gestion.

Toutefois, la participation aux tournois est en baisse de près de 13% à Groupe Beaudet depuis deux ans. La diminution de la participation est perceptible également au Club de golf de l'île de Montréal, confirme Isabelle Plourde. «Il y a eu beaucoup de coupes de la part des compagnies», fait-elle savoir.

«La commission Charbonneau nous nuit encore», confirme Ève Gaudet, présidente de l'Association des terrains de golf du Québec et copropriétaire du Golf Montcalm, dans Lanaudière.

À peu près toutes les municipalités d'importance tiennent un tournoi de golf annuel auquel participaient les avocats, les ingénieurs et les comptables. Or, ces professionnels se font beaucoup plus discrets sur les verts depuis deux ans.

Par exemple, les maires de la MRC des Pays-d'en-Haut, dans les Laurentides, ont annulé cet été leur événement annuel, qui existait depuis 25 ans, pour éviter les apparences de conflit d'intérêts.

Le contexte économique n'aide pas non plus, insiste Mme Gaudet. Le consommateur québécois est endetté. Il a rangé son portefeuille, comme le démontre la décroissance des ventes dans les centres commerciaux depuis le début 2014. Le golf, dépense discrétionnaire, ne figure pas en tête de ses priorités.

Cette situation n'est pas sans conséquence sur les finances des clubs de golf. Déjà, en 2006, une étude menée par la Chaire de tourisme Transat de l'UQAM démontrait que seulement la moitié des clubs étaient rentables. La situation n'a fait qu'empirer depuis, puisque les prix n'augmentent plus depuis des années. «On joue au golf en 2014 pour le même prix qu'il y a 15 ans», soutient M. Beaudet.

Groupe Beaudet a vendu un parcours de neuf trous du golf Le Riviera, à Saint-Bruno, à un promoteur domiciliaire. Les clubs de golf de Mascouche, La Providence à Saint-Hyacinthe et Deux-Montagnes ont fermé en 2013-2014. D'autres suivront, croit M. Beaudet. Selon lui, le marché en a encore pour trois ou quatre ans avant de se rééquilibrer.