Année après année, étude après étude, sondage après sondage, le constat reste invariablement le même. Les entrepreneurs ont besoin et réclament d'avantage d'oxygène pour pouvoir gérer correctement et arriver enfin à exploiter le plein potentiel de leurs entreprises.

Simplification de l'appareillage règlementaire, réduction du fardeau bureaucratique pour obtenir des services de soutien à l'entreprise, adoption d'une fiscalité mieux adaptée à la nature de leurs opérations: voilà, au final, ce à quoi aspirent simplement les entrepreneurs. Ils veulent consacrer plus de temps au développement de leurs affaires plutôt que d'avoir à naviguer incessamment dans les labyrinthes de la bureaucratie gouvernementale.

Élections après élections, c'est d'ailleurs la promesse que leur formulent la plupart des partis politiques. «Élisez-nous et nous allons vous simplifier la vie», clament-ils tous. Un engagement électoral qui se transforme rapidement en promesse d'ivrogne, une fois le jour du scrutin passé.

Entre vous et moi, cette nonchalance et le peu de cas que les gouvernements manifestent systématiquement à l'endroit des principaux créateurs de richesse au Québec constituent tout de même un formidable mystère.

On le sait, les quelque 250 000 PME québécoises qui comptent 100 employés et moins assurent à elles seules 55% de tous les emplois de la province. Ces petites et moyennes entreprises génèrent aussi 50% de l'activité économique du Québec, ce qu'on appelle le produit intérieur brut québécois.

Les entrepreneurs qui sont à la tête de cette constellation de petites entreprises ne sont donc pas des acteurs économiques marginaux.

Ils sont en fait les premiers vecteurs de création de richesse du Québec, mais on ne se préoccupe d'eux que le temps d'une campagne électorale.

Et, au mieux, lorsqu'on décide entre deux élections de se pencher sérieusement sur leur sort, on crée une commission d'enquête et on rédige un rapport qui proposera des correctifs.

Depuis 1996, on est rendu à cinq groupes de travail et cinq rapports - les plus connus ayant été les rapports Lemaire, Dutil et Audet - qui se sont penchés sur la simplification règlementaire et administrative dans le but de soulager les PME d'une omniprésence bureaucratique tout aussi écrasante que paralysante.

Et pourtant, aucune réforme significative n'a été à ce jour adoptée pour vraiment changer les choses. Les dirigeants de PME doivent encore et toujours naviguer entre une multitude d'agences gouvernementales, de règlements sectoriels, de décrets particuliers ou de coûteuses dispenses fiscales pour espérer arriver à bon port.

Libérer l'ambition

Cet environnement archaïque, pour ne pas dire hostile, dans lequel doivent évoluer les entrepreneurs québécois n'est d'ailleurs peut-être pas étranger au fait que nos créateurs d'entreprises soient ceux qui affichent les plus modestes ambitions au Canada.

Selon une étude de la Fondation de l'entrepreneurship, seulement 33% des entrepreneurs québécois affirment souhaiter voir leur entreprise prendre de l'expansion au cours des prochaines années alors que ce pourcentage atteint 43% dans l'ensemble du Canada.

Une absence de motivation qui est d'autant plus inquiétante qu'elle se révèle au moment même où un nombre sans précédent de propriétaires de PME auront à décider du sort qu'ils réservent à leur entreprise parce qu'ils doivent partir à la retraite.

Si la motivation à prendre de l'expansion n'est pas là pour le père, le sera-t-elle pour ses enfants qui pourraient assurer la relève?

Si le transfert générationnel ne se réalise pas et que l'entrepreneur décide de vendre, il peut s'agir d'une excellente occasion pour un autre développeur de consolider le marché.

Mais, encore là, ça prend des entrepreneurs qui ont confiance en leurs moyens et qui sont hautement motivés pour se lancer ainsi dans une série d'acquisitions.

Une mesure encourageante

À cet égard, l'initiative, qu'a récemment lancée la ministre déléguée à la Politique industrielle, Élaine Zakaïb, d'identifier et de soutenir dans leur développement accéléré 300 PME performantes au cours des trois prochaines années est, à mon avis, une mesure dont les effets structurants pourraient être des plus porteurs.

En accompagnant chacune de ces PME dans leur démarche d'expansion nationale et même internationale, en leur trouvant un mentor approprié et en leur offrant la possibilité d'articuler avec des experts un plan stratégique rigoureux, le gouvernement met enfin la machine au service de l'entreprise plutôt que de laisser l'entrepreneur seul au centre des rouages de l'appareil bureaucratique.