Le ralentissement économique devrait refroidir les ardeurs à l'occasion de la première vente aux enchères du marché québécois du carbone.

«Cette première vente, ce sera un moment intéressant pour le développement du marché du carbone, mais il n'y aura pas de bataille farouche pour se procurer des droits d'émission», affirme Yves Legault, vice-président et directeur général de National Ecocredit, une firme de consultation québécoise spécialisée dans le marché des crédits de carbone.

Il explique que la demande devrait correspondre grosso modo à l'offre.

Pour la première période de conformité (2013-2014), le gouvernement québécois a ciblé 79 installations, appartenant à une cinquantaine d'entreprises, qui émettent plus de 25 000 tonnes métriques de gaz à effet de serre par année.

Ces entreprises sont actives dans les secteurs de l'industrie et de l'électricité. Les entreprises de distribution de carburants et de combustibles fossiles se joindront au système au cours de la deuxième période de conformité (2015-2016).

Pour chacune des années 2013 et 2014, Québec a fixé un plafond de 23,5 millions de tonnes d'émissions pour le premier groupe d'entreprises, ce qui correspond à 23,5 millions de droits. En mai dernier, le gouvernement a alloué gratuitement aux entreprises industrielles une bonne partie de ces droits en fonction du niveau de production de chacune. Ce coup de pouce vise à réduire le risque de voir des entreprises quitter le Québec et s'installer dans des régions où il n'y a pas de marché de carbone.

Il appartient aux entreprises d'acheter les droits manquants pour couvrir toutes leurs émissions, soit à l'occasion de ventes aux enchères, soit auprès d'autres entreprises qui ont des surplus, soit auprès de sociétés qui mettent en place des projets pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Or, depuis que Québec a fixé ce plafond de 23,5 millions de tonnes, il y a eu un petit ralentissement de la croissance. Selon M. Legault, le plafond réel se situerait autour de 20 millions de tonnes. Selon ses calculs, les entreprises auraient besoin d'environ 3 millions de droits pour couvrir leurs émissions.

«Comme le gouvernement mettra en vente 2 971 676 droits, ce n'est pas très loin, souligne-t-il. Il devrait y avoir appariement de l'offre et de la demande.»

Prix à la baisse

Roger Fournier, un vérificateur spécialisé de la firme CarbonQuantum, surveillera de près le prix que le marché octroiera au droit d'émission.

Il note qu'en Californie, le prix est passé de 14,00$US en mai à 11,48$US en novembre.

«On voit qu'il y a une tendance lourde vers une baisse du prix des droits, et c'est une indication du prix qu'on pourrait avoir au Québec le 3 décembre [demain], étant donné que les deux marchés seront joints à partir de 2014», déclare-t-il.

Ce ne sont pas toutes les entreprises visées qui participeront aux enchères.

«Peut-être veulent-elles attendre les prochaines ventes aux enchères parce que le prix du carbone semble baisser, avance M. Legault. Peut-être ont-elles diminué leurs émissions, notamment avec des changements technologiques, et qu'elles ont besoin de moins de droits d'émission. Mais peut-être aussi ont-elles basé leur stratégie sur les produits dérivés, les contrats à terme.»

Au cours des années à venir, le gouvernement du Québec abaissera le plafond d'émissions et le nombre d'unités allouées gratuitement de façon à amener les entreprises à diminuer leurs émissions.

Steven Guilbeault, de l'organisation environnementale Équiterre, affirme que le système de marché du carbone n'est pas parfait.

«Ce n'est pas la solution à la crise climatique, mais c'est un des éléments nécessaires», indique-t-il.

Pour Yves Legault, il faudrait un système international pour empêcher les distorsions d'une région à l'autre et pour sauvegarder la compétitivité des entreprises situées dans les régions où l'on trouve un marché du carbone.

«Si on regarde ce qui s'est passé à Varsovie, à la conférence sur les changements climatiques, on voit qu'il y a du piétinement, il y a un fossé qui se crée entre les pays en voie de développement et les pays industrialisés. Je n'ai pas l'impression qu'on verra de sitôt la mise en place d'un marché planétaire.»

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LES GRANDES DATES

> 1er janvier 2013

Mise en place du marché québécois du carbone

> 1er mai 2013

Allocation d'unités gratuites

> 3 décembre 2013

Première vente aux enchères

> 6 décembre 2013

Publication des résultats de la première vente

> 1er janvier 2014

Liaison des marchés du Québec et de la Californie

> 31 décembre 2014

Fin de la première période de conformité

> 1er novembre 2015

Date limite pour la remise des droits d'émission pour la première période de conformité

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EN CHIFFRES

2 971 676

Nombre d'unités à vendre pour la période 2013-2014

6 319 000

Nombre d'unités à vendre pour la période 2015-2017

10,75$

Prix minimal

11,48$US

Prix atteint lors de la récente vente aux enchères en Californie

79

Nombre d'entreprises soumises à la première période (2013-2014)

2,5 milliards

Revenus que Québec entend tirer de la vente des unités d'émission d'ici 2020

25 % sous le niveau de 1990

Objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec d'ici 2020

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PARTICIPERA? PARTICIPERA PAS?

Cascades

«Nous ne participerons pas. Nous pensons que l'allocation d'unités du gouvernement nous permettra de combler nos besoins. Si ce n'est pas le cas, nous en achèterons une petite quantité au cours des prochaines enchères.»

- Hugo D'Amours, vice-président aux communications et affaires publiques

ArcelorMittal Mines Canada

«Nous ne participerons pas. Nous avons effectué des projets d'efficacité énergétique qui nous donnent la base de crédit nécessaire pour, probablement, les deux prochaines années.»

- Éric Tétrault, directeur des affaires publiques et communications

Énergie Valero (Raffinerie Ultramar)

«En plus de notre raffinerie au Québec, notre société mère a plusieurs raffineries aux États-Unis, dont deux en Californie. Ce sont les gens du siège social, à San Antonio [Texas], qui gèrent ce volet. Ils ont participé plus tôt cette année à l'encan en Californie. Ils considèrent la possibilité de participer à l'encan au Québec.»

- Michel Martin, directeur des affaires publiques et gouvernementales

Aluminerie Alouette

«Je ne peux pas vous dire si Alouette va transiger, ce sont des actions qui relèvent d'une stratégie d'affaires qu'on ne peut pas dévoiler. Mais par rapport à ce marché, Alouette est très bien positionnée: depuis 2005, nous avons réduit nos émissions de gaz à effet de serre de 30%.»

- Marie-Claude Guimond, directrice des communications

Hydro-Québec

«Hydro-Québec va participer aux enchères parce nous nous conformons au règlement. Nous devons obtenir des droits d'émission de gaz à effet de serre.»

- Ariane Connor, attachée de presse

Alcoa Canada

«Nous ne participons pas. Nous n'avons pas besoin d'acheter des crédits de carbone en raison de notre performance environnementale des dernières années.»

- Lysane Martel, directrice des communications et des affaires publiques

Produits forestiers Résolu

«Nous ne participerons pas à la mise aux enchères du carbone parce que nous en avons plus que nous n'en avons besoin, suite aux différentes mesures que nous avons mises en place au fil des dernières années, comme la conversion de nos installations au gaz naturel.»

- Karl Blackburn, directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales