Les Québécois ont encore beaucoup à faire s'ils veulent augmenter la valeur de leurs échanges commerciaux avec l'Asie, premier pôle de la croissance mondiale.

«Une relation à long terme avec les pays d'Asie ne peut être axée seulement sur la vente de produits pétroliers ou miniers, a soutenu hier Yuen Pau Woo, président et chef de la direction de la Fondation Asie-Pacique du Canada. Elle doit se fonder sur la compréhension profonde des sociétés asiatiques.»

Le conférencier hier du Conseil des relations internationales de Montréal a relevé à cet égard que le Québec, tout comme le Canada dans son ensemble d'ailleurs, a encore bien des croûtes à manger pour y parvenir.

Ainsi, seulement 18% des Québécois sont d'avis qu'il faut apprendre une langue asiatique. Pire, à peine 3% d'entre eux voudraient étudier un aspect de la vie asiatique alors qu'à peine 7% ont déjà visité une région du continent le plus peuplé du monde, celui-là même qui a assuré 75% de la croissance mondiale depuis 2009.

M. Woo a ainsi rappelé que les exportations canadiennes se sont effondrées avec la grande récession. Celles aux États-Unis ont plongé de 26%. En 2009, elles ont reculé sur tous les marchés sauf celui de la Chine où elles ont progressé de 9%. La Banque du Canada prévoit d'ailleurs qu'elles ne retrouveront pas leur niveau de 2008 avant l'été 2014.

Tout l'exposé de M. Woo, fort bien documenté et livré, visait à montrer que le Canada, incluant le Québec, a pris du retard par rapport à ses concurrents dans l'établissement de liens durables avec les sociétés asiatiques.

Nous n'avons pas de relations continues avec des organisations telles le Sommet du Sud-Est asiatique, un ensemble de 15 pays qui inclut l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ni avec l'ANASE (Association des nations de l'Asie du Sud-Est). Nous n'avons conclu aucun accord bilatéral de libre-échange non plus, bien que quelques négociations traînent depuis des années.

À peine un Québécois sur quatre est d'avis que le Canada est un pays du Pacifique au même titre que l'Asie et un peu plus de la moitié seulement pense qu'il faut exploiter ces marchés, déplore M. Woo. «C'est une question psychologique plus que géographique», résume-t-il, tout en rappelant que 15% de l'activité du Port de Montréal est reliée à des échanges avec l'Asie. À Halifax, plus loin encore, la proportion grimpe à 40%.

M. Woo a vanté la route ferroviaire du CN vers le port de Prince-Rupert à partir duquel la traversée maritime vers le nord de la Chine ou le Japon prend deux jours de moins que celle depuis le port californien de Long Island. C'est une liaison même plus courte qu'à partir des ports d'Australie.

Pour montrer l'écart de perception de l'Asie entre l'Australie et le Canada, M. Woo a rappelé l'engagement de Canberra de permettre à chaque enfant l'apprentissage d'une langue asiatique tandis qu'une forte proportion de l'administration devra posséder une connaissance approfondie de l'Asie.

«L'objectif n'est pas seulement de vendre à l'Asie, mais de détenir une expertise des sociétés asiatiques», a-t-il insisté.

M. Woo a aussi rappelé qu'une paix relative règne sur le continent depuis quelques décennies. Plusieurs contentieux régionaux pourraient cependant dégénérer: pensons aux disputes sino-japonaises ou celles entre l'Inde et le Pakistan, sans oublier la menace nucléaire nord-coréenne.

À cet égard, il suggère que le Canada mette à contribution ses compétences diplomatiques pour la résolution pacifique de ces conflits potentiels.

Enfin, si le Québec est la troisième province en importance (après la Colombie-Britannique et l'Alberta) à considérer l'Asie comme une priorité, sa part d'échanges commerciaux y demeure trop faible malgré la présence de géants comme Bombardier, CAE ou Power Corporation.

«Le Québec va rater le train de la croissance mondiale s'il ne l'augmente pas», a prévenu, avec une douceur tout asiatique, l'homme d'origine malaisienne.

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LA FONDATION ASIE-PACIFIQUE DU CANADA

Créée en 1984 par une loi fédérale, la fondation Asie-Pacifique est un groupe de réflexion indépendant et à but non lucratif qui s'intéresse aux relations du Canada avec l'Asie. Son siège social est à Vancouver.