La commission Charbonneau fait une nouvelle victime. Genivar, l'une des grandes sociétés de génie-conseil québécoises, a annoncé la mise à l'écart d'un ex-dirigeant en même temps qu'elle confirme que des irrégularités ont été commises relativement au financement des partis politiques et à l'attribution de contrats municipaux à Montréal entre 2004 et 2009.

Depuis 2010, il s'agit du troisième ex-dirigeant à quitter Genivar ou à s'absenter après que des agissements discutables sur le plan éthique eurent été étalés sur la place publique.

Hier, Genivar a annoncé qu'une personne, sans la nommer, a temporairement quitté la société jusqu'à ce que l'examen interne des faits évoqués se termine.

«La Société a maintenant en sa possession de nouveaux renseignements qui confirment que des agissements inappropriés ont effectivement eu lieu au Québec par le passé», a-t-elle fait savoir, dans un communiqué paru hier.

La société a refusé de confirmer s'il s'agissait de François Perreault, vice-président principal, ouest du Québec et membre du comité de direction canadien de Genivar. À son poste téléphonique, on répond que M. Perreault est en vacances. Il a été impossible de le joindre à son domicile.

«On a précisé que la personne en question était un dirigeant au moment des faits. Ce n'est plus un dirigeant actuellement. Genivar était une entreprise avec une très forte présence au Québec. Cette personne avait évidemment alors un rôle très important. Elle n'a plus un rôle de dirigeant depuis plusieurs mois, soit bien avant les allégations faites devant la commission Charbonneau», a dit Isabelle Adjahi, directrice des communications de Genivar.

Mme Adjahi a refusé de préciser si la personne visée continuait de toucher son salaire ou non.

Le nom de M. Perreault est sorti au cours du témoignage de Michel Lalonde, président de la firme de génie-conseil Génius, devant la commission Charbonneau en janvier. M. Lalonde a expliqué que les principales firmes de génie décrochant des contrats à la Ville de Montréal ont participé à un système de partage des contrats entre 2004 et 2009 tout en finançant le parti politique du maire Gérald Tremblay.

Michel Lalonde a nommé 13 personnes et 12 firmes de génie-conseil, dont M. Perreault, qualifié d'ambassadeur de Genivar dans ce système. Les allégations de M. Lalonde n'ont pas été prouvées en cour.

M. Perreault a par la suite dû démissionner du conseil de discipline de l'Ordre des ingénieurs du Québec où il y siégeait depuis 2001.

Un comité spécial du conseil d'administration de Genivar a été créé pour examiner toute allégation de conduite illégale dans la foulée des révélations de la commission Charbonneau.

«Genivar ne tolère aucune pratique commerciale inappropriée et s'est engagée à agir de façon éthique dans toutes les activités qu'elle entreprend», dit Christopher Cole, président directeur du conseil d'administration, par voie de communiqué.

Diverses allégations

Depuis 2010, l'image de Genivar a été éclaboussée par diverses allégations qui ont été suivies par le départ de deux autres ex-dirigeants.

En novembre dernier, le vice-président développement national de Genivar, Yanick Bouchard, a quitté l'entreprise. L'ingénieur avait participé à l'organisation d'un cocktail de financement de l'ex-ministre du Parti libéral Line Beauchamp, auquel avait participé un membre éminent de la mafia montréalaise, Domenico Arcuri. Entre 2003 et 2008, M. Bouchard a notamment dirigé le bureau de Genivar à Laval, où l'escouade Marteau, bras policier de l'Unité permanente anticorruption, a mené une perquisition le 6 novembre 2012.

«M. Bouchard est parti pour suivre d'autres intérêts et non pas pour des raisons éthiques», précise Mme Adjahi.

Ce départ avait été précédé en 2010 par celui d'Yves Lortie, à l'époque vice-président section Infrastructures municipales de Genivar. M. Lortie avait voyagé en Italie du 15 au 24 octobre 2008 à l'invitation de Joe Borsellino, président de Construction Garnier. Jocelyn Dupuis, alors directeur général de la FTQ-Construction, était également de la partie. Le voyage avait été révélé au grand jour par un reportage de La Presse et de Radio-Canada en août 2009.

À l'époque, Genivar avait dit que ce n'était pas «une situation appropriée» au regard du code d'éthique de l'entreprise. Elle avait laissé entendre qu'il y aurait des suites au geste de M. Lortie, qui a quitté Genivar pour le Groupe SM International en 2010.

Hier, le titre de Genivar a reculé. Les analystes financiers s'attendent à ce que les mauvaises nouvelles en provenance de la commission Charbonneau continuent de peser sur le titre. L'impact financier, par contre, ne serait pas significatif. Au cours de la dernière année, les contrats municipaux de la région de Montréal représentent 1% des produits d'exploitation et le secteur public québécois, 8%.