La présidente du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) souhaite que le gouvernement du Québec clarifie rapidement la situation dans laquelle est plongé le président de la Régie du logement, Me Luc Harvey, au nom de la crédibilité du processus d'enquête sur les juges administratifs et de la bonne gestion de la Régie du logement.

«Le gouvernement devrait clarifier les choses, dit Lucie Martineau, présidente du SFPQ. Il y a des gens en autorité, comme le ministre responsable de la Régie, qui doivent prendre des décisions. Personnellement, je pense que M. Harvey aurait été mieux d'arrêter ses fonctions le temps de l'enquête», précise-t-elle dans un entretien téléphonique.

Me Harvey fait actuellement l'objet d'une enquête par le Conseil de la justice administrative à la demande du ministre responsable de la Régie à la suite d'un rapport du Protecteur du citoyen dénonçant le tripotage de la mise au rôle des causes. Cette manipulation avait pour but d'embellir la performance administrative de l'organisme. Avant d'accéder à la présidence de la Régie en 2008, Me Harvey a fait l'objet de trois enquêtes en déontologie par le Conseil de la justice administrative, soit près du quart des enquêtes en déontologie visant le personnel de la Régie du logement.

Pendant la tenue de la présente enquête, Me Harvey continue de présider la Régie. Il a aussi recommencé à participer aux réunions du Conseil de la justice administrative en septembre, où il a côtoyé les trois membres du comité chargé de son enquête. Parmi ceux-ci se trouve une de ses employées, la régisseuse Suzie Ducheine, une situation pour le moins singulière aux yeux de la présidente syndicale.

«Quand on est un organisme public, il faut minimalement éviter les apparences de conflit d'intérêts. Ici, ça laisse une impression pas tout à fait nette. On ne doit pas se permettre ça», dit Mme Martineau.

Le fait qu'une employée enquête sur son propre patron laisse pour le moins perplexes les associations de propriétaires et de locataires, principaux utilisateurs des services de la Régie du logement.

«Idéalement, je pense que le président devrait être suspendu pendant que l'enquête suit son cours», dit France Emond, porte-parole de Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, qui a tenu à rappeler que son organisme s'était réjoui à l'époque que le président intervienne dans la mise au rôle, ce qui avait eu pour but de faire entendre plus rapidement des causes de locataires. «L'employé qui enquête sur son employeur, ça ne fonctionne pas étant donné les possibles conflits d'intérêts», soutient-elle.

Confiance très faible

«Ce n'est pas une situation idéale», convient pour sa part Me Robert Soucy, porte-parole de l'Association des propriétaires du Québec (APQ). Ni l'APQ ni la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) ne réclament toutefois la suspension de Me Harvey.

«L'avenir du président ne nous concerne pas, dit Hans Brouillette, directeur, communications et affaires publiques, de la CORPIQ. Mais c'est sûr que la confiance en la Régie est très basse.» Selon lui, la Régie ne remplit pas son mandat en raison des longs délais qui s'écoulent avant de rendre une décision. L'organisme a reconnu pendant l'enquête du Protecteur du citoyen avoir manipulé les chiffres, au détriment des propriétaires, selon M. Brouillette. De plus, le tribunal administratif, qui profite de l'ajout de huit nouveaux régisseurs, n'utiliserait pas de façon optimale les régisseurs d'expérience.

Selon le SFPQ, la Régie serait mieux gérée si elle était dirigée par quelqu'un qui n'est pas distrait par des procédures juridiques. «Quand les énergies sont concentrées dans un dossier qui n'est pas en lien avec la mission de ce qu'on fait, nécessairement, il doit y avoir un impact», dit Mme Martineau, dont le syndicat a écrit au président Harvey en août pour se plaindre de la diminution de la qualité des services offerts aux citoyens.