Le Québec a déjà été un précurseur dans le monde des drones militaires.

«Nous avons un héritage, rappelle Paul Mercier, vice-président au développement des affaires chez L-3 MAS, à Mirabel. Avant L-3 MAS, nous étions une division de Bombardier qui produisait des drones.»

C'est au cours des années 60 que Canadair a produit un premier appareil de surveillance téléguidé, le CL-89, dans le cadre d'un partenariat avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne de l'Ouest.

«Le Canada était à l'avant-garde de la plupart des pays», affirme M. Mercier.

Plus de 20 ans plus tard, Canadair, devenu propriété de Bombardier, a amélioré le drone dans le cadre d'un nouveau partenariat et lui a donné le nom de CL-289.

«Bombardier a vendu plus de 700 drones dans divers pays de l'OTAN, note M. Mercier. Mais avec le temps, Bombardier s'est concentré sur des projets moins axés sur la défense.»

Le dernier projet de drone de Canadair, le CL-327, avait vaguement l'air d'une arachide avec des hélices, d'où son surnom de «pinotte volante».

L-3 MAS, une entreprise qui se spécialise dans la maintenance et la modernisation d'appareils militaires, veut maintenant remettre le pied dans le monde des drones militaires. L'entreprise a établi un partenariat avec le géant américain de la défense Northrop Grumman pour développer un drone pour les missions de surveillance en Arctique des Forces armées canadiennes. Le drone en question, le Polar Hawk, serait une version canadienne du Global Hawk de Northrop Grumman, un appareil de type HALE (haute altitude et longue endurance). L-3 MAS serait le maître d'oeuvre du projet, Northrop Grumman fournirait l'appareil.

Par ailleurs, c'est Héroux-Devtek, de Longueuil, qui fabrique les trains d'atterrissage du Global Hawk.

Le gouvernement canadien est encore en voie de définir ses besoins en ce qui concerne l'utilisation de drones, dans le cadre du projet Justas (Joint Unmanned Surveillance Target Acquisition System). Le programme aurait deux missions: une mission intérieure et les déploiements à l'étranger.

«La partie intérieure nous intéresse», indique M. Mercier.

Selon lui, le Polar Hawk serait particulièrement approprié pour effectuer la surveillance de l'Arctique canadien, un enjeu qui devient particulièrement important.

«À mesure que les glaces fondent, le passage du Nord-Ouest sera de plus en plus accessible, indique M. Mercier. Si le Canada veut exercer un contrôle, notamment en ce qui concerne l'impact environnemental des navires qui emprunteront cette route, il devra y avoir un moyen de surveillance.»

L-3 MAS n'est pas la seule entreprise québécoise à lorgner le projet Justas. Le fabricant de simulateurs de vol CAE a formé un partenariat avec le fabricant de drones General Atomics Aeronautical Systems afin d'offrir son Predator au gouvernement canadien.

«Nous aurions un rôle au niveau de l'entraînement et de la simulation, ainsi qu'au niveau du support opérationnel», indique Martin Daigle, responsable des projets de drones chez CAE.

Un autre drone pourrait répondre aux exigences du programme Justas, lorsque celles-ci seront connues: le Heron, développé par Israel Aerospace Industries (IAI). Les Forces armées canadiennes ont notamment loué un Heron dans le cadre de leur déploiement dans la région de Kandahar, en Afghanistan, par le biais d'un contrat signé avec l'entreprise canadienne MacDonald, Dettwiler and Associates (MDA).

Pour Justas, MDA pourrait proposer une nouvelle version du Heron, propulsé par le PT-6 de Pratt&Whitney Canada (P&WC).

De son côté, le manufacturier d'aérostructure Héroux-Devtek a les yeux fixés vers le sud de la frontière, et notamment sur le nouveau programme UCLASS de la marine américaine.

La marine n'a pas encore lancé officiellement d'appel d'offres, mais on sait déjà que le drone en question devra pouvoir atterrir sur un porte-avion. Trois maîtres d'oeuvre américains se sont montrés intéressés: Northrop Grumman, Lockheed Martin et Boeing.

«Nous parlons aux trois», indique le président et chef de la direction d'Héroux-Devtek, Gilles Labbé.

Il rappelle que son entreprise a conçu le train d'atterrissage d'un prototype de drone développé par Boeing, le X-45.

Boeing a abandonné ce projet, mais l'entreprise a fait savoir que le X-45 lui avait permis d'apprendre beaucoup de choses, ce qui sera d'une grande utilité dans le cadre du projet UCLASS.

Le marché des drones ne représente encore qu'une toute petite partie du chiffre d'affaires d'Héroux-Devtek.

«Mais c'est l'avenir», affirme M. Labbé.