Cela peut sembler paradoxal, mais plusieurs familles québécoises vont s'enrichir avec la hausse des droits de scolarité.

> Le véritable impact financier de la réforme des droits de scolarité (tableau)

Alors que les manifestants font valoir que la réforme risque de réduire l'accès aux études postsecondaires pour les familles moins nanties, les chiffres démontrent que les familles qui gagnent moins de 65 000$ par année ne subiront pas du tout l'augmentation prévue de 82% sur sept ans. Au contraire, plusieurs familles à revenus plus modestes se retrouveront avec des milliers de dollars de plus dans leurs poches si la réforme proposée vendredi dernier par le gouvernement Charest va de l'avant, démontrent les calculs du fiscaliste Luc Godbout, de la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke.

Un gain de 3500$

La semaine dernière, Québec a offert d'étaler sur sept ans l'augmentation des droits de scolarité qui passeront de 2168$ en 2012 à 3946$ à terme en 2019, un bond de 1778$. Cela représente une hausse de 254$ par année, par rapport à l'augmentation annuelle de 325$ annoncée au départ (1625$ sur cinq ans).

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En parallèle, Québec a aussi offert de bonifier le programme de bourses, en rognant le crédit d'impôt pour droits de scolarité dont bénéficient toutes les familles de cégépiens et étudiants. Cela représente un transfert de richesse de 39 millions de dollars qui profitera à environ 44 000 étudiants de familles à revenus plus modestes, selon le ministère de l'Éducation.

Prenons l'exemple fictif de Damien, un étudiant inscrit au baccalauréat à temps plein qui vit dans une famille dont les revenus annuels s'élèvent à 45 000$. Présentement, il reçoit moins de 200$ en bourse par année, car les sommes versées diminuent graduellement lorsque le revenu familial de l'étudiant excède 28 500$.

Québec avait décidé de relever ce plafond à 35 000$, lors de l'annonce initiale de l'augmentation des droits de scolarité. La semaine dernière, le gouvernement a offert de le rehausser jusqu'à 45 000$. Au-delà de ce seuil, on considère que les parents peuvent contribuer au financement des études de leurs enfants, et on réduit graduellement le montant de la bourse qui disparaîtrait entièrement lorsque le revenu familial atteindrait 72 000$ par année.

En faisant passer le plafond à 45 000$, Damien toucherait 5113$ en bourse chaque année. Ce gain est bien plus important que la hausse de 1778$ des droits de scolarité.

Damien sort donc gagnant de la réforme. Cette année, il doit payer 1270$ pour fréquenter l'université, en considérant les bourses et les crédits d'impôt d'Ottawa et Québec. À l'issue de la réforme, le même étudiant empocherait plutôt 2311$ par année... une différence de 3581$ en sa faveur, comme le démontre le tableau.

«On se retrouve avec une réforme qui favorise beaucoup plus l'accès à la scolarité que le statu quo. Si on opte pour le statu quo, les enfants de familles qui gagnent entre 35 000$ et 65 000$ vont être pénalisés», constate M. Godbout.

Kif-kif à 65 000$

Mais cet effet d'enrichissement diminue, au fur et à mesure que les revenus familiaux augmentent. Le point mort se situe à environ 65 000$. À ce niveau de revenus, les familles ne sont ni gagnantes ni perdantes de la réforme, en tenant compte des bourses et des crédits.

Par contre, les familles qui gagnent plus que 72 000$ vont écoper doublement. Elles devront encaisser la hausse des droits de scolarité, sans avoir droit aux bourses. Et en plus, leur crédit d'impôt sera moins grand, car Québec a l'intention de réduire le taux de 20% à 16,5%. La baisse de 3,5% sur des droits de scolarité de 3946$ fait donc perdre des économies d'impôt de près de 140$ par étudiant, par année.

Les familles auront quand même droit à des crédits plus importants, puisque les droits de scolarité seront beaucoup plus élevés. Au final, le vrai coût de l'augmentation de 1778$ annoncée par Québec se chiffre à 1339$, en tenant compte des crédits.

C'est en divisant ce montant sur sept ans, puis sur 365 jours, que le gouvernement arrive à dire que l'augmentation des droits de scolarité représente un coût additionnel de 50 cents par jour.

Des prêts pour la classe moyenne

Par ailleurs, Québec a aussi annoncé un remaniement du programme de prêts pour les étudiants dont la famille gagne moins de 100 000$, à partir de 2012. Le changement permettra d'accorder des prêts additionnels à 50 000 étudiants, selon le ministère de l'Éducation.

Un grand changement pour Marianne, étudiante à temps plein dont les parents gagnent 85 000$ ensemble. Jusqu'ici, elle n'avait droit à rien. Mais à partir de 2016-2017, elle pourrait contracter un prêt de 4678$ par année. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un vrai gain, puisqu'elle devra rembourser cette somme.

Mais le gouvernement a aussi instauré un nouveau mode de remboursement des prêts en fonction des revenus, qui entrera en vigueur à l'automne 2013.