Une salle de concert, un pont pour l'autoroute 25, un centre de recherche pour le CHUM: le gouvernement Charest a porté à sa carte de crédit des milliards de dépenses qui ne figurent pas encore dans la dette, a révélé jeudi le vérificateur général du Québec.

Les «obligations contractuelles», engagements pris par Québec notamment pour les partenariats public-privé, ne figurent pas dans la dette totale du gouvernement, désormais de 173 milliards de dollars. Cette carte de crédit atteint 40 milliards, des dépenses qui ont bondi de 19% au cours de la dernière année, observe Michel Samson, vérificateur général par intérim. À elles seules, ces obligations correspondent à 12,8% du produit intérieur brut (PIB). De cette dette, les immobilisations représentent 23 milliards.

Selon M. Samson, Québec devrait ajouter tout de suite ces dettes souterraines à son passif, surtout les 7,5 milliards d'immobilisations concernant les travaux. «Cela devrait être inscrit dès maintenant», explique-t-il dans un entretien avec La Presse. Ces engagements correspondent souvent à des subventions à des universités ou pour des équipements municipaux, et ne pourront donc pas être inscrits à l'actif du gouvernement. Québec inclut ces dettes quand il rencontre les agences de crédit, observe M. Samson.

Québec a aussi 3,2 milliards de «passif environnemental», des dépenses importantes auxquelles il ne pourra échapper. Or, dans les dernières années, il n'a dépensé que 108 millions pour ces obligations - en bonne partie des travaux de décontamination. Les ministères et organismes ont également ciblé des travaux prioritaires pour un total de 1,4 milliard dans les trois prochaines années, des factures que le gouvernement devra ajouter à ses dépenses.

M. Samson constate que Québec a déjà pris du retard par rapport à son plan de réduction des dépenses visant à retourner au déficit zéro en 2013-2014. Ses prévisions sont optimistes. «On prévoit des dépenses de programmes inférieures à 2% pour les prochaines années. Depuis quelques années, on était à 3,5%! Cette cible n'est pas irréaliste... mais ça va prendre un vrai coup de barre», soutient M. Samson. Québec occupe toujours le premier rang parmi les provinces en ce qui a trait à l'endettement. Le ratio de la dette brute par rapport au PIB devrait continuer de croître, jusqu'en 2013.

À l'Assemblée nationale, le critique péquiste en matière de finances, Nicolas Marceau, a relevé les «graves constats» du vérificateur «qui dit que les finances du Québec sont mal gérées». Depuis le dépôt de son plan de réduction des dépenses, le gouvernement a dépensé 9,3 milliards de plus que prévu. Le budget 2009-2010 de mars 2009 prévoyait des dépenses de programmes de 319 milliards pour les cinq années du plan de retour à l'équilibre budgétaire. Elles ont été établies à 328,8 milliards.

En point de presse, le ministre Raymond Bachand a riposté. L'augmentation de la dette brute a été relevée dans la synthèse du ministère des Finances, l'automne dernier. Selon le ministre, sans surprise, le vérificateur fait un travail «pédagogique» pour les députés. «On ne racontera pas d'histoires. La dette augmente au Québec, principalement à cause de nos immobilisations, aussi à cause du déficit. Nous l'avions prévu. Quand on reviendra à l'équilibre budgétaire, fin 2013-2014, elle sera autour de 54,5%, 55% du PIB, et, par la suite, elle se mettra à décroître graduellement jusqu'à 45% du PIB en 2025-2026», a soutenu M. Bachand.

Sous Jean Charest, la dette aura augmenté de 55 milliards. «Il est responsable à lui seul de 30% de la dette du Québec», a fait observer Nicolas Marceau. De plus, malgré le plan de retour à l'équilibre budgétaire de M. Bachand, en 2010, la dette brute du Québec a augmenté de 10 milliards - un dépassement prévu par les Finances dans sa synthèse de l'automne 2011. Cela porte tout de même à 42 milliards l'augmentation de la dette d'ici au mois de mars 2015. La dette provenant de l'accumulation des déficits sera, quant à elle, de 2,9 milliards supérieure aux prévisions.

Le vérificateur observe aussi que si Québec appliquait les mêmes règles comptables que les autres provinces, depuis 2010, 7,5 milliards seraient ajoutés au déficit accumulé de la province.

Ce rapport arrive au moment où «Québec siphonne les contribuables, augmente la TVQ, la taxe santé et sur l'essence, les droits de scolarité et les autres tarifs. Le ministre est allé chercher plus de revenus», mais le rapport révèle «qu'il en a profité pour ne pas faire les efforts promis», a lancé M. Marceau.

Selon M. Bachand, il faut souligner, au contraire, que la croissance des dépenses «a commencé à se résorber», de l'aveu même du vérificateur. La dette, a-t-il insisté, est là pour financer des infrastructures. Les Québécois peuvent juger de «l'état de délabrement des infrastructures du Québec et de leur amélioration significative, graduellement. Il y aura encore des travaux pendant les prochaines années», a expliqué M. Bachand.