Les Québécois se croient plus écolos et plus verts que le reste du Canada, mais la Caisse de dépôt investit massivement leur argent dans le pétrole et les sables bitumineux.

Une étude réalisée par l'Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) souligne que 4 des 10 principaux placements en actions de la Caisse sont dans des entreprises du secteur du pétrole et des sables bitumineux.

Au total, la Caisse a investi 5,4 milliards de dollars dans ce secteur controversé, soit 14% de son portefeuille d'actions, selon l'IREC, organisme fondé en 1999 pour défendre des valeurs progressistes. Trois entreprises, soit Enbridge, Suncor et Canadian Natural Resources, comptent à elles seules pour 10% du portefeuille, précise l'étude. «Le Québec a beau se péter les bretelles et se trouver propre, il contribue au virage pétro-économique du Canada», a expliqué hier un des co-auteurs de l'étude, Éric Pineault, au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

Ces «placements sales» vont à l'encontre des orientations politiques et des valeurs du Québec en matière de lutte contre les changements, ajoute le chercheur, qui est aussi professeur de sociologie à l'Université du Québec à Montréal.

Selon lui, un débat public s'impose. La Caisse doit-elle sortir complètement des énergies fossiles? «Si vous me posez la question à moi, je pense que oui et je crois qu'il y a d'autres placements qui peuvent offrir les mêmes rendements», affirme Éric Pineault.

L'IREC estime que la Caisse pourrait investir davantage dans les énergies renouvelables, même si c'est risqué.

Le poids important d'Enbridge, Suncor et Canadian Resources dans le portefeuille de la Caisse représente aussi un risque important, selon le chercheur. «Qu'est-ce qui va se passer si l'Union européenne bannit le pétrole canadien ou si les projets de pipeline Keystone XL et Northern Gateway ne se réalisent pas?»

Un incontournable

La Caisse de dépôt n'a pas du tout honte de ses investissements dans le secteur pétrolier. «On assume pleinement ces investissements qui permettent de générer de bons rendements pour nos déposants», rétorque son porte-parole, Maxime Chagnon.

Selon lui, la Caisse investit aussi dans les énergies renouvelables, dans la mesure où c'est rentable. «On a aussi pour mission d'obtenir les meilleurs rendements pour nos déposants», a-t-il dit.

Un investisseur comme la Caisse n'a pas le choix, il faut qu'il investisse dans le secteur pétrolier, explique de son côté Jean-Luc Gravel, premier vice-président, marchés boursiers. «Dans les 5 à 10 prochaines années, la croissance va venir des pays émergents qui ont besoin de pétrole. Si on se prive d'investir là-dedans, les rendements vont en souffrir.»

Selon Jean-Luc Gravel, les titres énergétiques comptent pour 24% du portefeuille d'actions de la Caisse, alors que ce secteur représente 27% de l'indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto.

Les chiffres publiés dans l'étude de l'IREC ne sont pas conformes à la réalité, selon la Caisse.

Au total, la Caisse dit avoir des investissements de 20 milliards dans les actions d'entreprises canadiennes, dont 4,8 milliards dans le secteur énergétique. De ces 4,8 milliards, moins de la moitié, soit 2 milliards, sont investis dans des entreprises qui exploitent des sables bitumineux.

La Caisse affirme que contrairement à ce qu'affirme l'IREC, elle a investi davantage dans les entreprises québécoises. Au total, ses investissements dans les entreprises québécoises (placements privés et actions) atteignaient 6,9 milliards au 31 décembre dernier.