Des parents de la région d'Ottawa ont grimpé dans les rideaux en voyant la petite leçon de crédit à l'endos du relevé de compte bancaire de leur enfant de huit ans.

La banque commence par une question quiz: Un Californien surnommé Monsieur Plastic Fantastic détient un nombre record de cartes de crédit. Devine combien il en possède? 1397!

En dessous, une capsule éducative met en valeur le concept de l'emprunt: «Disons que tu veux vraiment faire un gros achat, comme un vélo ou des patins à roues alignées, mais que tu n'as pas assez d'argent, peut-être que tu pourrais penser à emprunter. Pas à la banque, nuance-t-on. Mais à tes parents.»

«Ce n'est pas de l'éducation financière!» s'indigne Caroline Toupin, de la Coalition des associations de consommateurs du Québec. Selon elle, il serait plus utile d'apprendre aux enfants à travailler et à économiser.

«C'est pernicieux, dit-elle. On commence tôt à habituer les jeunes à emprunter de l'argent. C'est un mode de vie qu'on leur inculque, une façon de penser et d'acheter.»

Marketing ou littératie financière?

L'éducation financière est à la mode depuis que le Groupe de travail sur la littératie financière, formé par le gouvernement fédéral, a mené une offensive pan-canadienne pour améliorer les connaissances des particuliers.

Les banques ont emboîté le pas en créant leur propre site internet dédié à l'éducation financière, incluant des micro-sites pour les enfants et les étudiants.

«Les institutions veulent toutes faire notre éducation financière dès le berceau! C'est très inquiétant. On regarde ça d'un oeil critique, même si leurs sites sont les moins commerciaux possible. Les consommateurs doivent se méfier», estime Charles Tanguay, porte-parole de l'Union des consommateurs.

Il peut sembler louable et responsable de la part des banques de vouloir faire l'éducation financière de leurs clients. Mais la frontière est floue entre la littératie financière et la campagne de marketing.

Pour les organismes de défense des consommateurs, le rôle des institutions financières est de fournir de l'information claire sur le fonctionnement de leurs produits. Point final.

Elles n'ont pas l'objectivité nécessaire pour éduquer le public. «Est-ce qu'on prendrait au sérieux un Burger King qui donnerait des conseils sur la nutrition?» demande Mme Toupin.

Information impartiale

Les associations de consommateurs font de l'éducation financière depuis plusieurs décennies, mais elles se plaignent du manque de financement. «Sous prétexte qu'on manque de ressources partout, on va laisser l'entreprise privée se charger de ça? Ce serait dramatique», dit M. Tanguay.

La Coalition propose donc au gouvernement de créer un fonds qui serait financé par les institutions financières. Mais le mandat éducatif serait confié à des organismes gouvernementaux ou communautaires. «Il y a de la place pour le privé en éducation. Mais pas pour la faire. Pour la financer. La solution est là», assure Mme Toupin.