IQT, Zellers, Nova Bus, Technicolor et Teva. En quelques jours à peine, 1300 emplois ont disparu dans la grande région de Montréal. De Dorval à Mirabel en passant par Laval, les ex-employés de ces sociétés en sursis ou déjà fermées accusent le coup en attendant des jours meilleurs.

Les murs sont gris, les visages sont longs. Dans les allées presque désertes du magasin Zellers de Dorval, les employés accusent le coup. Lundi, quand la direction leur a appris la fermeture prochaine de la succursale, plusieurs salariés ont fondu en larmes. Les yeux des travailleurs croisés mardi trahissaient toujours leur abattement, mais, fidèles jusqu'au bout à leur direction, ils sont restés bouche cousue devant les journalistes. «C'est moche», a dit discrètement une jeune femme qui travaille depuis trois ans chez Zellers pour financer ses études. «On s'y attendait, mais pas si tôt. Pour celles qui ont une maison et des enfants, c'est dur.»

Lundi, La Compagnie de la Baie d'Hudson a annoncé la fermeture du magasin Zellers de Dorval, sans plus de détails. Cette fermeture s'ajoute à une liste déjà longue de pertes d'emplois dans la grande région de Montréal. Nova Bus supprimera 200 emplois au Québec en août, dont 145 à Saint-Eustache. La société française Technicolor a quant à elle décidé de fermer son laboratoire de Mirabel, supprimant près de 180 emplois. Mardi, la firme Teva, fabricante de médicaments génériques qui employait 400 personnes, aussi à Mirabel, a à son tour annoncé qu'elle mettait la clé sous la porte. Une véritable série noire entamée vendredi par la société IQT, un sous-traitant de Bell, qui a fermé sans préavis ses bureaux de Trois-Rivières et de Laval.

«Comme la jungle»

«C'est de la merde, ici, de toute façon.» Devant l'immeuble de la Place Laval où, jusqu'à vendredi, il travaillait au service de facturation résidentielle d'IQT, Mohammed ne mâche pas ses mots. Les dernières semaines ont été particulièrement éprouvantes, explique-t-il: chèques de paie sans provision, bonus mystérieusement disparu, la liste des griefs contre l'employeur est longue. «C'est simple, on a fait deux semaines de bénévolat, on a perdu nos congés, nos bonus. C'est comme la jungle, ici. Même dans mon pays, en Algérie, on verrait pas ça!»

Non loin de lui, un petit groupe d'ex-employés fait le compte des heures travaillées ôtées de leurs fiches de paie ou des jours de vacances dus. «C'est un vol catégorique», dit Sylvie Laviolette.

«On ne prend pas les gens en considération. Les êtres humains sont des numéros. On n'était pas des personnes, mais des numéros de série», déplore, de son côté, Yahia Khelladi.

À Mirabel, l'imposant laboratoire Technicolor tournait au ralenti, mardi. Et pour cause: quelques travailleurs seulement ont été rappelés pour terminer le développement de quelques pellicules. Le laboratoire, ouvert avec de grandes ambitions en 2001, a fermé officiellement ses portes mardi. Il employait près de 180 personnes.

«Personne ne sait ce qu'il va se passer», dit un employé proche de la direction. Avec l'avènement du numérique dans les salles de cinéma, la fermeture n'est pas surprenante. «Mais j'avoue qu'on ne s'y attendait pas de si tôt. On espérait se rendre jusqu'en février ou mars, dit-il. J'aurais aimé qu'on nous prévienne, mais quand même, on le savait. Moi, j'ai repris mes études pendant mes années chez Technicolor. Le problème, c'est qu'il y a plein de gens qui n'ont pas d'études, que l'entreprise a essayé d'aider et qui ne se replaceront pas facilement.»

Le coup était peut-être prévisible, mais il n'en est pas moins dur. «On dirait qu'on s'est fait avoir. C'est complètement l'inverse de ce qu'on a dit l'année dernière, quand on négociait la convention collective», soupire Jean Lussier, président du syndicat des employés de Technicolor. Parmi les syndiqués, l'incrédulité l'emporte sur la colère ou la tristesse. «Il y en a qui ont pris ça dur. Il y a des couples là-bas, les gens sont perturbés, même si on ne part pas les mains vides.»

Optimistes malgré tout

«Chaque perte d'emploi est une perte d'emploi de trop, a dit mardi la ministre du Travail du Québec, Lise Thériault. On a besoin de tous les emplois ici au Québec. Comme province, on a quand même beaucoup d'attraits, avec une main-d'oeuvre qualifiée, avec des programmes. Mais il y a des choses qu'on ne contrôle pas toujours.»

Si le déclin de la pellicule explique la fermeture de Technicolor, la ministre s'est montrée plus véhémente envers IQT: «Ce qui est important, c'est de s'assurer que les lois du Québec et les droits des employés soient respectés.»

Malgré le choc, les anciens employés d'IQT restent optimistes. Plusieurs entreprises ont dit souhaiter les embaucher. C'est le cas de Nordia, autre sous-traitant de Bell, qui devrait recruter près de 200 anciens d'IQT pour son nouveau centre d'appels de Laval. Mieux: Nordia s'est engagée à leur verser 250 $ par semaine jusqu'à leur entrée en fonction, à la fin du mois d'août, selon Julie Vigneault, l'une des employés licenciés. «C'est tombé du ciel», dit-elle. Les ex-employés d'IQT sont prêts à se battre. «On ne se voit pas comme des victimes. On reste positifs, mobilisés, et on veut réagir», dit Jean-Joseph Florentin.

LES EMPLOIS PERDUS

Technicolor (Mirabel): 178 emplois

Teva: 400 emplois

Zellers (Dorval): de 100 à 150 emplois (HBC refuse de préciser)

IQT (Laval): 450 emplois

Nova Bus (Saint-Eustache): 145 emplois en août, qui s'ajoutent aux 125 perdus au début de l'année.