Après les rouges chiliens dans les années 90, les vins Malbec d'Argentine au milieu des années 2000, c'est maintenant au tour des vins américains de séduire les Québécois.

Longtemps boudés par la Société des alcools du Québec, les vins américains connaissent une augmentation fulgurante de leurs ventes au point d'avoir supplanté les espagnols au troisième rang des pays exportateurs de vins au Québec. Un phénomène qui ne durera pas, selon les experts.

Chez Vins Philippe Dandurand, on sable le champagne. Leur protégé, Ménage à trois Folie à deux (de la maison californienne Trinchero), est le numéro un au Québec avec des ventes de 18,6 millions de dollars (ou 950 000 bouteilles vendues) entre 1er avril 2010 et le 31 mars 2011, pratiquement le double de l'année précédente. «Ménage a trois a connu une croissance phénoménale dans la dernière année, dit Lizane Castonguay, chef de marque. Ses ventes ont décollé à compter de la mi-2008.»

Pour le chroniqueur Marc André Gagnon de vinquebec.com, le Ménage à trois, «doux, rond et fruité», est un vin rouge sucré, susceptible de plaire aux jeunes et aux gens qui commencent à boire du vin.

En fait, on trouve cinq vins californiens dans la liste des 50 produits les plus vendus à la SAQ en 2010-2011.

Or, jusqu'à tout récemment, le Québec boudait les fruits des vignes de son voisin du sud. Outre le Ménage à trois, il s'agit du White Zinfandel Rosé d'Ernest&Julio Gallo et de trois Cabernet-Sauvignon: Liberty School Paso Robles, Redwood Creek Frei Brothers et Woodbridge, de Robert Mondavi.

En 2004-2005, les États-Unis vendaient trois millions de litres à la SAQ et arrivaient au septième rang des pays d'origine des vins tranquilles vendus dans la province. En 2010-2011, ses ventes sont passées à 10,95 millions de litres et le pays occupe le troisième rang, derrière la France et l'Italie, mais devant l'Espagne et l'Argentine. La croissance des ventes est de 60% en deux ans.

Pourquoi cette croissance fulgurante alors que l'industrie vinicole américaine a atteint une maturité depuis le milieu des années 1990 avec une production totale stable à 20 000 milliers d'hectolitres, selon les statistiques de l'Organisation mondiale de la vigne et du vin?

«Les Québécois nous en demandent de plus en plus. Certains disaient que notre section de vin américain était petite. Quand on sent un engouement, on essaie de diversifier notre offre, explique de son côté, Isabelle Merizzi, porte-parole de la société d'État.

Pour Lizane Castonguay, le vin est sujet aux modes. Après les chiliens et des argentins, c'est au tour des vins californiens de connaître leurs jours de gloire.

«Les Québécois sont passés du Fuzion d'Argentine à 8,90$ la bouteille au Ménage à trois à 19,80$. Les gens ont accepté de payer 10$ plus cher pour leur produit préféré», observe Marc André Gagnon, chroniqueur à VinQuébec.com.

Car, si les américains progressent, les argentins dégringolent. Les ventes en volume reculent de 15% depuis le sommet atteint en 2009.

«La SAQ a récemment pris un tournant dans la mise en marché en mettant en valeur des vins un peu plus chers, dans la gamme de 13 à 20$», explique François Le Brasseur, président de l'agence Elixirs à qui l'on doit les vins Fuzion. Les vins d'entrée de gamme sont moins sur les planchers et moins dans les circulaires. Ça nuit aux ventes», dit-il.

La Grèce: vedette de demain

D'après Jean Aubry, auteur du Guide annuel d'achat des 100 meilleurs vins à moins de 25$, le succès commercial des vins californiens ne durera pas. «Les Québécois vont s'en lasser. Ils vont changer d'idée et vont aller ailleurs, vers les vins grecs par exemple.»

Les vins grecs?

«Je prédis que dans les deux ou trois prochaines années, ce sont les grecs qui vont se démarquer. Absolument. Le créneau n'est pas du tout exploité à la SAQ. Ensuite, il y a un travail très sérieux des agences grecques au Québec qui livrent de très beaux vins grecs de 15 à 20$».