L'Autorité des marchés financiers (AMF) est incapable de porter devant les tribunaux pas moins d'une centaine de dossiers d'infractions à la Loi sur les valeurs mobilières en raison d'un manque d'avocats, a révélé mercredi le nouveau pdg de l'organisme, Mario Albert.

Une centaine de dossiers d'infractions à la Loi sur les valeurs mobilières traînent sur les bureaux de l'Autorité des marchés financiers (AMF) au lieu d'être portés devant les tribunaux en raison d'un manque d'avocats.

C'est ce qu'a révélé mercredi le nouveau président-directeur de l'AMF, Mario Albert, dans un discours prononcé à la tribune du Cercle de la finance internationale de Montréal.

«Compte tenu des ressources importantes qu'on a ajouté au niveau des enquêtes au cours des dernières années, on se ramasse maintenant avec un volume important de dossiers qu'il faut amener devant les tribunaux, a-t-il déclaré. On a à peu près 100 dossiers dont l'enquête est terminée mais que, faute de procureurs, on n'est pas en mesure d'amener devant les tribunaux.»

Depuis la naissance de l'AMF, en 2004, la taille de l'équipe des enquêtes a triplé, passant de 47 à 112 employés, a précisé M. Albert.

Pour remédier à la situation, l'organisme réglementaire est à la recherche d'une dizaine d'avocats et d'employés de soutien, qui s'ajouteraient à la vingtaine déjà en place.

«On ne souhaite pas laisser des dossiers de poursuites dormir sur des tablettes», a insisté Mario Albert, en précisant toutefois que les causes en attente n'étaient pas abandonnées et qu'elles aboutiraient devant les tribunaux aussitôt que possible.

L'AMF a tout de même réussi à multiplier les poursuites au cours des dernières années. En 2010, elle a déposé plus de 2000 chefs d'accusation contre des dizaines de conseillers financiers, de promoteurs et de firmes.

De plus, son taux de succès est enviable. Même si les entreprises québécoises ne comptent que pour 10 pour cent de la capitalisation boursière canadienne, le tiers des décisions rendues au pays en matière de violation des lois sur les valeurs mobilières le sont dans la province.

Autres spécialistes

Afin d'accroître sa capacité à traquer les irrégularités et les risques, l'AMF cherche en outre à accroître le nombre d'actuaires, d'économistes et d'experts en finance dans ses rangs.

«Ça ne nuit pas à notre travail au point de rendre inefficace l'AMF, mais c'est clair que si on avait plus de spécialistes en dérivés et d'actuaires, ça faciliterait notre vie», a reconnu M. Albert.

Or, le recrutement n'est pas facile parce que le secteur privé verse des salaires bien plus élevés que l'AMF. L'organisme songe à demander des dérogations à Québec afin de pouvoir offrir à certains experts une rémunération allant au-delà des limites gouvernementales.

L'AMF compte d'autre part établir des échanges plus étroits avec l'industrie afin de mieux comprendre les nouveaux produits financiers et, conséquemment, d'être mieux placée pour les réglementer.

Mario Albert a confié ne pas être de l'école de pensée selon laquelle les régulateurs doivent garder leurs distances des entreprises de services financiers pour éviter de se retrouver «otages de l'industrie».

«Une entreprise, même si on l'a rencontrée dans un forum quelconque, si elle commet une faute financière, elle va être sanctionnée», a martelé M. Albert, en assurant qu'il n'était pas question de «négocier» avec les fautifs.

Sensibilisation

Mario Albert, qui a pris la tête de l'AMF en février dernier, entend par ailleurs intensifier les efforts de l'organisme pour sensibiliser la population face aux risques de fraude.

Il a rappelé mercredi que selon un sondage récent, à peine 45 pour cent des Québécois se méfieraient d'un placement promettant un rendement de deux pour cent par mois. Et il a relevé que plusieurs citoyens mettent plus de temps à magasiner pour une auto qu'à se renseigner à propos d'un placement REER.

«Il faut augmenter l'intérêt des consommateurs pour les connaissances en matière financière», a noté M. Albert, en admettant que certaines initiatives de l'AMF avaient eu bien peu d'impact.

«On a fait beaucoup de belles publications qui se sont ramassées dans des présentoirs et qui ont rejoint peu de gens», a-t-il dit. L'organisme est en train de rectifier le tir avec des campagnes grand public, notamment celle mettant en vedette l'animateur Guy Mongrain.

«Il faut voir l'éducation financière comme un projet de très longue haleine, a néanmoins prévenu Mario Albert. On ne pourra pas changer les comportements d'une population en quelques années. Je pense qu'il faut penser à une génération complète.»

M. Albert a dit souhaiter le retour des cours d'économie au secondaire, abolis il y a quelques années par Québec.

Au sujet du Groupe TMX [[|ticker sym='T.X'|]], le pdg a indiqué qu'il reviendrait en premier lieu au conseil d'administration et aux actionnaires de l'exploitant boursier de décider quelle offre d'achat retenir.

L'AMF a déjà lancé un processus de consultation à propos de la proposition présentée par la Bourse de Londres, mais elle est prête à se pencher plutôt sur celle du consortium Maple si les actionnaires devaient la choisir.

Ancien haut fonctionnaire à Québec, Mario Albert a succédé à Jean St-Gelais, qui dirige maintenant la nouvelle Agence du revenu du Québec.