Selon une enquête de l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS), les bonus accordés aux salariés du secteur public ont augmenté de 15% en 4 ans et ont dépassé les 105 millions en 2008-2009, et ce, sans qu'il soit prouvé que ces primes améliorent la performance des bénéficiaires.

Aux fins de cette étude, on a passé en revue les pratiques en vigueur dans le réseau de la santé, à Hydro-Québec, à Loto-Québec, à la Société de l'assurance automobile du Québec, à la Société des alcools et à la Commission des services juridiques.

La majeure partie des primes à la performance, ont constaté les auteurs de l'étude, est concentrée dans le système de la santé et à Hydro-Québec. Cette société d'État remporte aussi la palme dans la catégorie des interlocuteurs les plus réfractaires à transmettre quelque donnée que ce soit aux chercheurs, qui ont dû se rabattre sur la Régie de l'énergie.

Si l'on exclut Hydro-Québec et le système de santé, où les primes à la performance existent depuis longtemps, la proportion prise par les bonus dans la masse salariale «a doublé en sept ans dans les autres organisations étudiées».

En conférence de presse, le chercheur Simon Tremblay-Pepin a donné l'exemple de Loto-Québec, où le bonus moyen est passé de 25 000$ au début des années 2000 à 50 000$ à la fin de la décennie. À la Société de l'assurance automobile du Québec, le cadre dirigeant recevait typiquement une prime de 10 000$ au début des années 2000. Dix ans plus tard, il reçoit 25 000$.

Ces bonus donnent-ils des résultats positifs? Hydro-Québec et Loto-Québec ont refusé de fournir aux auteurs de l'enquête toute étude qui pourrait établir un lien entre ces primes et la performance des personnes en cause. Ailleurs, on a répondu qu'aucune étude n'avait été menée pour le savoir.

Laura Handal, coauteure, souligne que les bonus peuvent avoir l'effet pervers d'amener les gestionnaires à se concentrer davantage sur les aspects du travail visés par les primes, «par exemple le respect des budgets ou des délais, au détriment d'autres aspects plus essentiels du travail comme le service à la clientèle».

Mme Handal note que les systèmes de gratification sont loin d'être plus efficaces à l'étranger. En Indiana, notamment, un groupe de chercheurs a conclu que les programmes de bonus n'ont fonctionné que dans 20% des cas chez les salariés syndiqués, et dans 14% des cas chez les cadres. «Deux des causes de l'échec de ces programmes sont le fait que les salariés voient peu de liens entre les efforts fournis et la récompense, et le fait que les bonus sont des sommes trop modestes pour être convaincantes», explique Mme Handal.

Une prime au risque?

Réagissant à l'étude, Luc Vallerand, directeur général de l'Association québécoise des retraités des secteurs publics et parapublics, ne s'oppose pas aux bonus, mais il croit qu'ils doivent être versés aussi bien aux employés qu'aux cadres. M. Vallerand estime que les bonus ne doivent jamais inciter les dirigeants à prendre des risques indus.

À ce propos, M. Vallerand cite le cas de la Caisse de dépôt et placement, dont la débandade, dit-il, s'explique partiellement par cette course aux bonus. En 2009, La Presse a de fait écrit que le mode d'attribution des primes à la Caisse est l'un des éléments qui ont encouragé l'achat des fameux PCAA non bancaires.

Nicolas Marceau, porte-parole de l'opposition péquiste en matière de finances, dénonce le fait que les bonus versés en 2008-2009 «occupent pratiquement le double de la part de la masse salariale qui leur était consacrée à l'arrivée du gouvernement Charest en 2003, et ce, sans qu'aucune évaluation soit faite quant à l'impact de cette politique de bonification accrue».

L'IRIS, qui a réalisé l'étude publiée hier, est un institut indépendant à but non lucratif. Le Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec a cependant participé au financement de l'enquête.