Dans un coin, un lourd déficit à éliminer. Dans l'autre, des besoins croissants à satisfaire. Et au milieu, le ministre des Finances du Québec qui demande aux contribuables les plus taxés au Canada de l'aider à faire des choix pour son prochain budget.

Ça s'annonce difficile, conviennent les gens d'affaires qui ont rencontré le ministre Raymond Bachand hier. «La pression de dépenser plus est très forte», résume le président du Conseil du patronat (CPQ), Yves-Thomas Dorval.

Le CPQ, comme d'ailleurs les Manufacturiers et exportateurs du Québec et la section québécoise de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), prie pour que le ministre des Finances garde le cap sur l'élimination du déficit en 2013-2014.

Yves-Thomas Dorval propose même au gouvernement de s'interdire toute nouvelle dépense, à moins de la financer par l'élimination d'une autre.

De leur côté, les principaux syndicats et organismes sociaux unis sous la nouvelle bannière de l'Alliance sociale combattent vigoureusement le projet d'éliminer aussi rapidement le déficit.

«L'Ontario ne le fait pas, le Canada ne le fait pas, les États-Unis non plus, dit Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec et porte-parole de la nouvelle coalition. Alors, pourquoi mettre une pression indue sur la population québécoise?» s'interroge-t-il.

Pour éliminer le déficit en deux ans, le gouvernement devrait réduire la croissance de ses dépenses de 4,6% par année à 2%. «C'est illusoire, à moins de sabrer la santé, la sécurité ou l'éducation, affirme Réjean Parent. Le Québec n'est pas un magasin.»

Aussi serrée soit-elle, la situation budgétaire du gouvernement lui permet de réduire les taxes sur la masse salariale, selon les gens d'affaires. Ils proposent au ministre des Finances de rogner sur les programmes d'aide aux entreprises, trop nombreux et pour la plupart inefficaces, pour compenser ce manque à gagner.

En plus d'être les plus taxées et les plus réglementées, «les entreprises ne se retrouvent pas non plus dans la politique économique censée leur venir en aide», souligne Martine Hébert, vice-présidente pour le Québec de la FCEI.

«Les trois quarts des entreprises ne sont pas équipées pour aller chercher l'aide disponible, renchérit Simon Prévost, des Manufacturiers et exportateurs du Québec. On préfèrerait qu'ils coupent là-dedans.»

En échange, le gouvernement pourrait soulager un peu les employeurs du fardeau des programmes sociaux comme l'assurance parentale, qu'elles financent à 60%. Il n'est pas question d'éliminer l'assurance parentale, mais d'en diminuer le coût, selon le président du CPQ.

«Est-ce qu'on ne pourrait pas réduire le nombre de semaines couvertes par l'assurance parentale ou le maximum de salaire assurable? demande Yves-Thomas Dorval. On ne changerait pas la face du monde et on ne ferait pas changer d'idée à ceux qui veulent des enfants.»

L'Alliance sociale, pour sa part, estime que le gouvernement peut augmenter ses revenus sans toucher aux garderies à 7$ et à l'assurance parentale, qui ont réussi à faire augmenter le taux de natalité au Québec.

Elle propose d'instaurer un impôt minimum de 1,5% sur les profits des entreprises et de resserrer les congés fiscaux dont elles bénéficient. Selon son porte-parole, il y a aussi de l'argent à aller chercher dans le secteur minier. «On paie presque pour faire exploiter notre sous-sol», s'indigne Réjean Parent.

Au total, l'Alliance qui regroupe 150 organisations syndicales, sociales et communautaires, a proposé au ministre Bachand des mesures qui lui permettraient d'aller chercher 1 milliard de revenus supplémentaires.

Le regroupement organise une grande manifestation à Montréal le 12 mars pour s'opposer aux augmentations de tarifs et aux réductions de services, avant le dépôt du prochain budget du Québec.

Les entreprises et les syndiqués ne sont pas les seuls à pouvoir dire ce qu'ils attendent du budget. Tous les contribuables sont invités à donner leur opinion sur le site du ministère des Finances, à l'adresse suivante: https://consultations.finances.gouv.qc.ca